LES FRANÇAIS À L’HEURE DU TÉLÉTRAVAIL
Salariés, écoliers, collégiens, lycéens, étudiants… Malgré la crise sanitaire, les Français continuent de travailler… à la maison.
Ca y est : une grande partie des Français ne va plusnià l’école, ni à l’université, ni au bureau ! Pour les 12,4 millions d’élèves et étudiants brutalement privés de cours depuis le 16 mars, c’est une vraie révolution : il faut gérer son temps de façon autonome, se motiver pour apprendre ses leçons tout seul, maîtriser les multiples bugs du site École directe, sursollicité ces derniers jours ; et surtout, « réaliser que télétravail ne signifie pas télé(vision) + travail », comme l’explique par e-mail à ses élèves, non sans une pointe d’ironie, une enseignante du prestigieux lycée parisien Saint-Jean de Passy, momentanément rebaptisé « Saint Jean HorsLes-Murs » depuis qu’il a dû fermer ses portes, comme tous les établissements scolaires. Mais l’autre nouveauté, c’est que, dans bien des cas, les parents sont aussi restés à la maison cette semaine, découvrant le travail à distance comme les y a invités avec insistance le président Macron. En mode commando depuis l’intensification de la pandémie, les entreprises jouent le jeu, certaines (Accor, Scor, Saint-Gobain… ou encore Le Figaro) incitant fortement leurs salariés à travailler à la maison. Par civisme, pour limiter les contacts et la propagation du virus ; par nécessité également, la fermeture des établissements scolaires générant un vrai casse-tête, en termes d’organisation, pour les parents de jeunes enfants ! Pas facile de s’y mettre alors que le télétravail n’est pas vraiment habituel en France. Avec 30 % de salariés y recourant en moyenne de façon contractuelle ou temporaire (soit 5,5 millions d’individus, dont 51 % sont des cadres et 49 % des salariés d’entreprises de plus de 1 000 salariés), nous ne sommes pas des champions en la matière. Au Brésil, par exemple, 54 % des salariés sont déjà des adeptes réguliers du télétravail ; en Suède 46 %, en Australie 41 %, aux ÉtatsUnis 36 %… Toutefois, la pratique est en progression dans l’Hexagone depuis quelques années (en 2008, la proportion de télétravailleurs ne dépassait pas 8,4 %, selon une étude du Centre d’analyse stratégique). Les grèves de cet hiver, en paralysant les transports pendant des semaines, y sont pour quelque chose : à cette occasion, 28 % des entreprises ont basculé pour la première fois dans le télétravail ; en décembre, le nombre de salariés restés à la maison a atteint 38 %, indique une étude de Malakoff Médéric Humanis. En région parisienne, ils étaient même un sur deux à avoir fait ce choix. Par ailleurs, l’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 est venue offrir au télétravail un cadre juridique plus souple. Elle prévoit notamment que le télétravail peut s’organiser de façon régulière ou occasionnelle, mais aussi dans le cas de circonstances exceptionnelles… comme une menace d’épidémie. Dans ce cas précis, le télétravail peut être considéré comme « un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour assurer la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés » (L.1222-11). N’empêche : si la loi a prévu les choses de façon prémonitoire, dans les faits, la mise au télétravail d’un pays tout entier ne va pas de soi. Certaines entreprises, notamment parmi les PME, n’y sont pas ou peu préparées, ne serait-ce que parce que leurs salariés ne sont pas forcément équipés d’ordinateurs ou ne disposent pas, chez eux, d’une connexion internet suffisamment fiable. Les réseaux, d’une manière générale, frisent la saturation depuis que la France tousse et travaille depuis chez elle. À tel point que les opérateurs télécoms envisagent de limiter la bande passante des sites de divertissement (Netflix, YouTube, TikTok…) de façon à permettre aux Français de travailler. ■