Le Figaro Magazine

LE PETIT CHAT EST MORT

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Si nous nous étions attendus à ça ! La vie prend un autre rythme. Il a quelque chose de pascalien. Voilà ce que c’est, « de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre ». Côté malheur, on va être servis. Il y a des antidotes. Peut-être qu’on ouvrira des restaurant­s clandestin­s comme il existait durant la prohibitio­n des « speakeasie­s » où l’on pouvait se saouler en douce. On découvre de nouvelles habitudes : se saluer en se frôlant le coude. On retrouve des gestes anciens : ouvrir un livre.

Même les librairies ont fermé. Ces endroits étaient pourtant bien vides, à peine troublés par les chuchoteme­nts de clients à la recherche d’un titre. Il faut tirer un trait sur ce plaisir coupable, lire son quotidien en terrasse. À la place, on commandera des DVD sur Amazon. Le canapé devient un lieu de résistance, un cocon, une île déserte. Cela permet de tomber sur La Gifle sur une chaîne câblée. Le film donne des nouvelles d’une époque lointaine, les années 1970. Isabelle Adjani était étudiante en médecine. Elle ne finissait pas ses examens. Lino Ventura lui balançait une baffe d’anthologie. Ah, Adjani, ses jupes écossaises et ses blousons en jean, ses yeux bleus étonnés et ses lèvres boudeuses ! Elle constituai­t une sorte de miracle, un peu comme Sagan en littératur­e. Elle disait « Le petit chat est mort » avec toute la détresse de l’enfance. Nous n’en revenions pas. Avec elle, nous étions prêts à affronter la fin du monde. Nous ne savions pas que cela arriverait un jour.

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