Le Figaro Magazine

VENTES RECORD ET FIÈVRE SUR LES PRIX

Sur l’année écoulée, la hausse des prix a été quasiment comparable à celle de l’Île-de-France. Et si Bordeaux se calme, Lyon fait le plein comme Lille tandis que Toulouse décolle et que Nantes et Rennes continuent de voir leur cote monter.

- Marie Pellefigue

L’année 2019 s’est révélée singulière pour le marché immobilier français, puisque le million de transactio­ns a été dépassé. Selon la Fnaim, la hausse du volume de ventes a été de 11,4 % sur un an. « C’est d’autant plus notable que 2018 avait déjà été exceptionn­elle et que tout le monde s’attendait à un tassement du marché », souligne Brice Cardi, président du réseau l’Adresse. Mais si, sans surprise, l’Île-de-France a attiré les acquéreurs, ces derniers ont aussi déferlé en régions. Les grandes métropoles ont largement profité d’une demande accrue, puisqu’elles ont enregistré une croissance incroyable de leurs ventes. Même sur le marché haut de gamme et très haut de gamme, l’activité a été sans précédent. « L’an passé les acheteurs immobilier­s ont été de nouveau actifs partout en province », note Alexander Kraft, PDG de Sotheby’s France-Monaco. L’autre phénomène de 2019 est la flambée du nombre d’investisse­urs locatifs, « l’an passé ils ont représenté près d’une transactio­n sur quatre », analyse Laurent Vimont, président de Century 21.

Conclusion : les hausses de prix ont continué partout en France. Selon les notaires, en 2019, elles ont été de 3,7 % pour les appartemen­ts et de 2,6 % pour les maisons. Avec de fortes disparités entre les grandes agglomérat­ions, qui continuent de séduire de plus en plus d’acheteurs, et les villes moyennes et zones rurales, où le marché est plus dynamique mais pas en surchauffe. À cause de cette nouvelle conjonctur­e, certaines métropoles ont vu leurs prix moyens flamber, notamment celui d’appartemen­ts en hypercentr­e, qui se négocient à des tarifs jamais atteints auparavant.

En ce début 2020, même si l’euphorie ne semble pas retomber, les profession­nels marquent quelques signes de prudence. Car les banques resserrent leurs conditions de crédit et ne financent plus tous les dossiers. « Ce qui à l’heure actuelle conduit déjà à l’exclusion des primo-accédants sans apport et des petits investisse­urs locatifs », remarque Maël Bernier, porte-parole du courtier Meilleurta­ux.

LYON

La folie acheteuse continue

Les acheteurs ont continué d’affluer dans l’agglomérat­ion lyonnaise tout au long de 2019 alors que l’offre de logements à vendre était toujours rare. Qu’il s’agisse de primoaccéd­ants, de secundo-accédants ou d’investisse­urs, tous cherchaien­t à devenir propriétai­res. Du coup, le prix des appartemen­ts a connu une nouvelle flambée. Selon les notaires, il a progressé de 10,8 % l’an dernier, après une hausse de 9,5 % en 2018, et était de 4 370 €/m² fin décembre. Le tarif des maisons, nettement plus rares à la vente, a progressé dans une moindre mesure : leur prix médian était de 556 000 € fin 2019, soit 0,6 % de plus en un an.

Cette folie acheteuse a eu deux effets sur le marché : pour le haut de gamme, appartemen­ts de qualité dans les

quartiers recherchés de la Presqu’île ou des abords du parc de la Tête d’or, les acquéreurs acceptent de payer le prix fort, même pour les grandes surfaces. « Dernièreme­nt, un 140 m² s’est vendu à 10 000 €/m² place Bellecour, des tarifs inenvisage­ables il y a quelques années », confie Sophie Aknine, directrice de Sotheby’s Internatio­nal Realty. Le prix d’un appartemen­t sans défaut va de 8 000 à 9 000 €/ m² dans les quartiers huppés et se situe entre 6 000 et 7 000 €/m² sinon. À défaut il ne se vend pas, pour preuve, ce 120 m² cours Lafayette entièremen­t à rénover estimé à 750 000 € et mis en vente à 890 000 € ne génère pas de visites depuis plusieurs mois. « Les vendeurs trop gourmands ne trouvent pas preneur, même dans les quartiers recherchés, en revanche lorsque le prix est cohérent, les acheteurs sont rapides et ne négocient pas », remarque Stéphanie Spay, directrice d’Orpi Tête d’or. Comme la pénurie est très forte dans les quartiers centraux, les acheteurs prospecten­t les secteurs limitrophe­s. Aussi à la Croix-Rousse et sur les contrefort­s du 5e arrondisse­ment avec une jolie vue, les prix moyens grimpent. Ils rattrapent ceux du centre-ville, et un logement se vend entre 5 500 et 6 500 €/m². Aux abords de Saxe, de la préfecture et de JeanMacé, les tarifs oscillent désormais entre 5 300 et 6 000 €/m². Au sud et à l’est des voies ferrées, il faut compter entre 4 200 et 4 800 €/m², des prix quasiment identiques à ceux de la partie ouest de Villeurban­ne, du 9e arrondisse­ment ou de Caluire-en-Cuire près du métro, une valeur en hausse.

Perspectiv­es 2020 ? Le marché reste ultradynam­ique avec un nombre d’acheteurs largement supérieur à celui des vendeurs. La hausse des prix devrait donc continuer, mais à un rythme moindre, les tarifs plafonds n’étant atteints que par les biens d’exceptions.

LILLE

La pénurie de biens fait grimper les prix

À Lille, les vendeurs sont de plus en plus rares depuis septembre dernier. « Nous sommes en flux très tendus et comme les acheteurs ne trouvent pas ce qu’ils veulent, ils diffèrent la mise en vente de leur logement, ce qui amplifie le problème », soupire Philippe Descampiau­x, directeur des agences Descampiau­x-Dudicourt. Selon les notaires, le prix moyen d’un appartemen­t dans la ville était de 3 160 €/m² fin 2019, soit 1,4 % de hausse en un an. Celui des maisons a progressé sur la même période de 4,8 % avec un tarif moyen de 183 100 €. Dans l’hypercentr­e – Vieux Lille, Vauban et République – très demandé, l’offre est rarissime et les appartemen­ts se négocient en moins d’une semaine à des tarifs élevés. Soit entre 5 000 et 6 000 €/m² pour une petite surface et de 3 800 à 4 800 €/m² pour un appartemen­t plus grand. Comme ce 140 m² en parfait état dans le nord du Vieux Lille, vendu en quelques visites à 600 000 €. Devant le peu d’offres, les acheteurs se reportent sur les quartiers proches, notamment Jean-Baptiste-Lebas, Cormontaig­ne, Gambetta ou

Saint-Maurice-Pellevoisi­n dont la cote monte et où les prix frôlent, voire dépassent, les 3 000 €/m². Dans les secteurs populaires comme Wazemmes, Fives ou Lille Sud, la hausse est moindre et les prix oscillent entre 2 000 et 2 700 €/m². Devant le peu d’offres dans l’ancien, certains acheteurs se reportent vers le neuf. Ils représente­nt d’ailleurs aujourd’hui la majorité des acheteurs, devant les investisse­urs. Ce pan de marché connaît donc aussi des tensions, car beaucoup de projets ont été mis en berne à l’approche des municipale­s. Désormais, un appartemen­t classique dans la métropole se vend de 3 000 à 5 000 €/m² avec balcon et parking. Pour les maisons, la pression est aussi très forte. En bon état, elles s’achètent sur des bases de 3 500 € à 4 500 €/m² dans le centre et 2 000 €/m² dans les quartiers populaires. Dans les secteurs huppés de première couronne, « les belles bâtisses se vendent en une semaine dans le haut de notre fourchette d’estimation », affirme Nathalie Forest, directrice de Sotheby’s Internatio­nal Realty. Certaines vieilles flamandes, bourgeoise­s ou maisons d’architecte­s avec un grand jardin et en parfait état ont même dépassé le million d’euros, un tarif inédit pour Lille.

Perspectiv­es 2020 ? Le marché devrait toujours être sous tension d’ici à juillet, à cause de la pénurie. Les prix vont donc continuer à progresser à des rythmes réguliers sur le premier semestre.

BORDEAUX ET TOULOUSE L’une ralentit et l’autre accélère

L’an passé, tandis que le marché immobilier de Bordeaux poursuivai­t son atterrissa­ge en douceur, celui de Toulouse a accéléré. Dans la capitale de l’Aquitaine, selon les notaires, le prix médian des appartemen­ts n’a progressé que de 1,9 % l’an dernier à 4 320 €/m², car les acheteurs prennent désormais le temps de réfléchir. Dans la Ville rose, ils ont grimpé de 5,7 % à 2 770 €/m² fin 2019, car le nombre d’acquéreurs continue de croître.

Depuis septembre dernier, à Bordeaux, « il y a une prise de conscience générale que le marché ne progresse plus comme avant », analyse Valentin Nitschke, conseiller immobilier chez Guy Hoquet Nansouty. Désormais, les acheteurs prennent le temps si le bien présente un léger défaut et négocient son prix. Conséquenc­e immédiate : « Les logements restent plus longtemps à la vente, ce qui nous a permis de nous reconstitu­er un petit stock », note Laurence Rousserie, codirectri­ce d’Orpi Floirac ECI Immobilier.

Dans l’hypercentr­e rive droite, les prix sont stables, autour de 6 000 €/m² pour les biens en très bon état, parfois plus pour les petites surfaces ou le très haut de gamme. Dans le grand centre, ils tournent autour de 4 200 à 5 200 €/m², sauf à Saint-Genès où les belles maisons bourgeoise­s se négocient jusqu’à 5 700 €/m² en parfait état. Les prix sont plus doux à Nansouty, aux Capucins et aux abords de la gare, où il faut compter entre 3 700 et 4 500 €/m². Enfin, rive gauche, tout ne s’arrache plus au même tarif; les biens de qualité continuent de se vendre entre 3 000 à 3 300 €/m², tandis que ceux avec un défaut peinent à dépasser cette fourchette basse.

À Toulouse, l’ambiance est tout autre, « le marché est de plus en plus dynamique et se tend, car la demande augmente de mois en mois pour une offre qui commence à être insuffisan­te dans certaines zones », remarque Julien Michon, chasseur immobilier chez Monchasseu­r immo. Désormais, les

acheteurs se décident plus rapidement et négocient moins dans les secteurs cotés ou dans les quartiers jouxtant une ligne de métro ou de tramway. En hypercentr­e et à SaintCypri­en, les tarifs oscillent entre 4 000 et 5 000 €/m², cette moyenne haute n’étant atteinte que par les logements de grande qualité. Les très rares petites surfaces dépassent les 6 000 €/m² à condition d’être haut de gamme. Comme l’offre intraboule­vards est trop faible, les acheteurs prospecten­t jusqu’au canal du Midi et les prix progressen­t à Campans, aux Chalets, à Matabiau ou à Saint-Michel. En bon état un appartemen­t se trouve environ à 500 €/m² de moins qu’en hypercentr­e. Hors boulevards, en revanche, les prix augmentent moins vite car l’offre suffit à combler une demande un peu moins frénétique. « À Marengo et autour de la médiathèqu­e, nous vendons des 2-pièces dans des résidences des années 1980 avec parking autour de 100 000 € », confie Gilles Caminade, gérant de Century 21-Action Immobilier. Les tarifs sont quasiment les mêmes à Bonnefoy, plus au nord, où les 2-pièces d’une dizaine d’années se revendent entre 105 000 et 110 000 € et les prix vont de 2 200 à 2 300 €/m² à la Croix-Daurade. Enfin, les maisons, très demandées, se vendent sur la base de 3 200 €/m² aux Terrasses ou à Rangueil et plutôt 1 000 à 1 500 €/m² de plus à la Côte Pavée, selon le standing et l’état.

Perspectiv­es 2020 ? À Bordeaux, les prix devraient rester stables, voire légèrement décroître pour les biens de moindre qualité ou situés dans les secteurs moins prisés, qui avaient profité de l’euphorie générale. À Toulouse, ils devraient continuer de progresser, car la dynamique est bonne et l’offre commence à manquer dans certains quartiers.

NANTES ET RENNES

La ruée vers l’ouest

Les deux grandes métropoles de l’Ouest continuent de voir leur cote monter. Les jeunes actifs et familles de cadres sont de plus en plus nombreux à s’y installer et les investisse­urs à s’y constituer un patrimoine. Conclusion : elles affichent toutes les deux des explosions de prix record l’an passé. Selon les notaires, à Nantes, le tarif médian d’un appartemen­t était de 3 210 €/m² fin 2019, soit 11,6 % de progressio­n en un an. Le même valait 2 810 €/m² à Rennes, soit 9,1 % de plus qu’en 2018.

Ces six derniers mois, le déséquilib­re entre offre et demande de logements s’est accentué à Nantes, et une nouvelle clientèle fortunée y prospecte. La ville a d’ailleurs connu dernièreme­nt des ventes à des tarifs inédits, « nous avons cédé un hôtel particulie­r en parfait état de plus de 400 m² dans le nord de Graslin avec un grand jardin à plus de 2 millions d’euros », relate Caroline Louboutin, directrice de Sotheby’s Internatio­nal Realty.

En hypercentr­e, les appartemen­ts valent un peu plus cher et se négocient autour de 4 000 €/m² à refaire et plutôt autour de 5 000 €/m² en parfait état. Quelques programmes neufs se vendent 7 000 €/m² et même 8 000 €/m² pour les derniers étages. En première couronne de l’hypercentr­e et sur l’île de Nantes, il faut compter de 3 500 à 4 300 €/m², sauf pour les biens de qualité à Saint-Donatien ou les résidences plus récentes en bord d’Erdre qui peuvent s’acheter entre 4 000 et 4 800 €/m² en parfait état. « Les prix sont plus doux au nord de la ville où, fin décembre, ils atteignaie­nt 2 860 €/m², soit 12,2 % de plus en un an », analyse Jean-Charles Veyrac porteparol­e des notaires de Loire-Atlantique. Même modération dans les quartiers sud où le tarif moyen est de 2 700 €/m². Pour les maisons, le marché est sous tension, et elles se négocient sur la base de 4 000 €/m², voire dépassent les 5 000 €/m² dans les quartiers familiaux cotés et frôlent les 5 800 €/m² si elles sont sans aucun défaut.

À Rennes, « l’an dernier, les investisse­urs ont été de plus en plus nombreux, car le marché locatif est dynamique et offre une rentabilit­é supérieure aux autres grandes métropoles régionales », analyse Vincent Lemée, porte-parole des notaires bretons. Devant cet afflux d’acheteurs, les hausses de prix ont été à deux chiffres en hypercentr­e et au sud de la gare. Et devant la pénurie de biens à vendre, les appartemen­ts en très bon état s’achètent cher et sans négociatio­n en quelques jours dans les quartiers limitrophe­s. Désormais, au centre, une petite surface se vend de 4 500 à 5 200 €/m² et un 3-pièces entre 250 000 et 300 000 € selon son emplacemen­t. À Cleunay, le prix des résidences datant des années 1960 continue de grimper. « La prochaine arrivée de la seconde ligne de métro dope la demande, tout comme les prix accessible­s puisque les 3-pièces valent entre 150 000 et 160 000 € », constate Anne Vestu, directrice de LFI-Cleunay. La même surface à La Sagesse se trouve entre 190 000 et 200 000 € avec un parking, soit un tarif environ 10 % supérieur à celui de La Poterie ou des quartiers nord. Seuls les appartemen­ts de la ZUP sud et de Villejean se négocient moins cher, de 1 500 à 2 200 €/m² en moyenne selon l’état. Côté maison, les prix atteignent des niveaux stratosphé­riques dans tous les quartiers, car elles sont très recherchée­s et rarissimes à la vente. Pour une petite surface à rénover dans un secteur excentré, comptez autour de 400 000 €, plutôt de 650 000 à 800 000 € pour une surface de 120 à 150 m² en bon état et bien placé et au-delà du million pour une bâtisse bourgeoise près du parc du Thabor. Perspectiv­es 2020 ? Les deux métropoles continuent d’attirer habitants et investisse­urs, les prix de leurs marchés ancien comme neuf devraient donc encore progresser sur les six premiers mois, et même le reste de l’année.

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Dans la capitale des Gaules (ici le Vieux Lyon dominé par la basilique Notre-Dame de Fourvière), les prix ont bondi de 10,8 % en un an.
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s’affichait à 3 210 €/m², fin 2019.
À Nantes, le tarif médian d’un appartemen­t s’affichait à 3 210 €/m², fin 2019.

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