Le Figaro Magazine

UN AN APRÈS SA CRÉATION, LE BAIL MOBILITÉ AVANCE AU RALENTI

Lancé fin 2018, ce contrat de location de courte durée peine à séduire le grand public. De l’avis des profession­nels de l’immobilier, seule une poignée d’investisse­urs aguerris semble s’y aventurer.

- Pascal Tonès

C’est la mesure qui fait pschitt. Plus d’un an après son entrée en vigueur, le bail mobilité ne rencontre pas le succès escompté : « Les locataires nous le demandent, mais, le problème, ce sont les propriétai­res qui refusent presque systématiq­uement. Ils sont dissuadés par l’absence de dépôt de garantie. De plus, chaque nouvelle location réalisée à partir d’un bail mobilité engendre des honoraires d’agent immobilier, ce qui devient rapidement inintéress­ant pour des biens loués deux à trois mois », confie Hanane Zineddaine, présidente de la région Grand Paris pour le réseau d’agences immobilièr­es l’Adresse. Pourtant, sur le papier, le bail mobilité a de quoi séduire. Il permet de louer en meublé pour une durée de 1 à 10 mois un logement couvert par la garantie Visale, un contrat de cautionnem­ent mis en place par l’État permettant à ce dernier de se porter garant du locataire. Le montant du loyer est libre, sauf dans les villes où ils sont encadrés, et le bail n’est pas reconducti­ble.

Mais rien n’y fait. Le contrat reste peu connu et est souvent présenté par les profession­nels comme réservé aux étudiants ou aux jeunes en formation : « Les textes disent pourtant que le bail mobilité peut s’adresser aux personnes en mission temporaire dans le cadre d’une activité profession­nelle. Ce terme recoupe à mon sens également les personnes en CDD ou détachées dans une autre ville par leur entreprise, puisque aucun décret ne vient préciser la significat­ion de l’expression “mission temporaire dans le cadre d’une activité profession­nelle” », indique Sidonie FraîcheDup­eyrat, avocate associée en droit immobilier chez LPA-CGR avocats. Quelques investisse­urs se laissent pourtant tenter : « Vous avez ceux qui souhaitent optimiser leur taux d’occupation et profiter du régime fiscal qui s’applique au meublé pour une courte durée et tous les déçus d’Airbnb, constate Alexis Alban, directeur général adjoint de Lodgis, spécialisé­e dans la location meublée à Paris. Ces derniers sont les plus nombreux. Ils s’imaginaien­t que la location saisonnièr­e via les plates-formes était le Graal. Mais avec les contrainte­s réglementa­ires, l’organisati­on pour accueillir et récupérer les clés des hôtes et les prix élevés des services de concierger­ie, ils déchantent. Avec le bail mobilité, ils n’ont plus besoin de procéder à un changement d’usage du bien, d’obtenir un numéro d’immatricul­ation, de se limiter à une période de 120 nuitées ou d’organiser leur emploi du temps à la semaine pour gérer le bien. »

SIMPLIFIER LES DEMANDES

L’entreprise est d’ailleurs sur le point de signer son 2 000e bail mobilité et compte bien continuer sur cette lancée en développan­t ses offres dans des villes comme Bordeaux, Toulouse ou encore Lyon. En 2019, la part des baux mobilités chez Lodgis représente 29,2 % de l’ensemble des contrats de location signés cette année-là. Les locataires concernés sont à 48 % des étudiants, 31 % des stagiaires et 21 % des profession­nels, le tout pour un loyer mensuel moyen de 1 174 € pour un studio de 27 m² loué en moyenne 4 mois. Autre secteur où le bail mobilité fait florès, celui encore confidenti­el du coliving : « Les exploitant­s de ces nouveaux modes d’habitation, comme ceux des résidences étudiantes, le trouvent pratique. Le bail mobilité leur permet de développer une offre de logements pour du court séjour. De plus, la souplesse qu’il introduit correspond souvent à leur concept marketing », observe Sidonie Fraîche-Dupeyrat. Reste que, pour conquérir le coeur du grand public, le bail mobilité va devoir, selon les profession­nels de l’immobilier, se transforme­r en partie : « Il faudrait le rendre accessible à l’ensemble des population­s que nous ne couvrons pas avec les Garanties loyers impayés (GLI) et qui, parfois, même avec de solides revenus, n’ont pas accès au marché locatif », propose Christine Fumagalli, présidente du réseau d’agences immobilièr­es Orpi. « On pourrait simplifier les démarches administra­tives au moment de la déclaratio­n des revenus issus d’un bail mobilité tout en proposant un abattement sur ces derniers », ajoute Michel Platero, président de la Fnaim du Grand Paris. Autant de propositio­ns qui, pour l’instant, ne semblent pas à l’étude du côté du gouverneme­nt…

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