VENISE VILLE FANTÔME
La cité des Doges a été l’une des premières touchées par le coronavirus. Notre photographe a pu se rendre quelques jours dans les venelles de la Sérénissime pour témoigner d’un spectacle aussi sublime que terrifiant. Et qui présage de ce qui attend les grandes villes d’Europe.
Ca a commencé comme un rêve… Mais ça s’est très vite transformé en cauchemar. » Marco Zorzanello, photographe italien, connaît bien Venise. En plus d’y avoir étudié, cela fait vingt ans qu’il vient tous les week-ends déambuler dans l’entrelacs de venelles et de canaux de cette ville dégorgeant toute l’année des centaines de milliers de touristes. Mais le 12 mars dernier, alors que Marco obtient l’autorisation des forces de l’ordre pour faire une entorse au confinement mis en place par le gouvernement italien, il découvre un visage de la cité qu’il n’avait encore jamais vu. « Ça s’est vraiment fait en deux temps. D’abord, le jeudi, il faisait beau et il y avait encore quelques personnes qui sortaient dans les rues. Les terrasses des cafés étaient encore ouvertes et, malgré le fait que l’épidémie était bien réelle, il y avait presque quelque chose de beau dans le fait de voir cette ville comme on en rêve : vide. » Mais le lendemain, lorsque Marco revient arpenter les célèbres places de la ville pour Le Figaro Magazine, c’est une tout autre impression qui le saisit. « Quand je suis revenu, j’ai eu l’impression de découvrir une ville dans un monde postapocalyptique. Tout avait changé en moins de vingt-quatre heures. Et pour ne rien arranger, le ciel était gris. Pour ceux qui connaissent bien Venise, c’était encore plus vide et plus silencieux qu’un soir de semaine au mois de janvier. J’ai des souvenirs à chaque coin de rue, à chaque petit café. Et pourtant, j’avais l’impression d’être ailleurs. »
La cité des Doges, qui se rebiffait il y a peu
contre le marasme du tourisme de masse, est aujourd’hui une ville désertée
Derrière ces images stupéfiantes, on peut deviner ce qui attend les grandes villes d’Europe ces prochaines semaines
C’est ainsi que la cité des Doges, la reine de l’Adriatique, Venise la Sérénissime est passée en quelques semaines d’un des plus beaux joyaux touristiques européens à la « Wuhan de l’Europe », selon les mots de Roger de Montebello, peintre français confiné dans la ville depuis une semaine et interviewé par nos confrères du Figaro : « Cet isolement est ponctué de brèves sorties pour aller faire des courses alimentaires en bas de chez soi et pour prendre l’air », raconte l’artiste. Après l’annonce du premier cas positif le 22 février dernier, en plein carnaval, il n’aura fallu qu’une dizaine de jours pour plonger la cité flottante en situation de confinement total.
Depuis, les rues désertes de Venise sont ainsi devenues, en une semaine, le symbole triste et sinistre des conséquences de l’épidémie de Covid-19 qui frappe l’Europe. En Italie, alors que 370 décès étaient recensés en seulement vingtquatre heures le week-end dernier, de plus en plus de villes de Lombardie et de Vénétie ont imité Venise. À Paris et en France, après avoir décidé samedi dernier de fermer tous les lieux publics non essentiels (bars, restaurants, discothèques, cinémas et salles de théâtre), Emmanuel Macron a annoncé aux Français un confinement général de quinze jours – qui pourrait être allongé en fonction de l’évolution de la situation –, à l’instar des Italiens. Une première dans l’histoire récente de la France ; mais une nécessité absolue pour endiguer cette pandémie de Covid-19. Un effort collectif, et validé par les autorités scientifiques, pour faire front dans ce que le chef de l’État n’a pas hésité à qualifier de « guerre » contre ce fléau invisible. ■