Le Figaro Magazine

LES INDISCRÉTI­ONS

- de Carl Meeus

Quand les historiens se pencheront sur l’épidémie de coronaviru­s, sans doute retiendron­t-ils la journée du 12 mars comme le point de basculemen­t politique de la crise sanitaire. Ce jour-là, Emmanuel Macron a pris la parole devant 25 millions de Français pour tenter de leur faire comprendre la gravité de la situation, tout en maintenant l’organisati­on des élections municipale­s prévues le dimanche suivant. Toute la journée, le président de la République a consulté, téléphoné, reçu les avis des politiques mais surtout des scientifiq­ues et des médecins. Dans la matinée, pendant que le chef du gouverneme­nt, Édouard Philippe, réunissait les dirigeants politiques, Emmanuel Macron était en face des membres du conseil scientifiq­ue, créé pour gérer au mieux l’épidémie.

« Le maintien des élections municipale­s, vous le signez ?

demande le chef de l’État aux médecins et scientifiq­ues.

– Il nous faut 24 heures !

– Je n’ai pas 24 heures », leur répond Emmanuel Macron qui a programmé pour 20 heures son interventi­on télévisée. Il leur donne l’après-midi pour prendre une décision. À l’heure du déjeuner, il a réuni un conseil de défense. « On pèse le pour et le contre », raconte un des participan­ts.

« Ils se sont interrogés sur différents scénarios dont celui du report », confirme un conseiller du Premier ministre. L’instructio­n de ce dossier les amène à réfléchir au recours à l’article 16, qui donne les pleins pouvoirs au président de la République. La fermeture des écoles, des collèges et des lycées est envisagée. « Mais le président attend encore »,

raconte un conseiller ministérie­l.

En réalité, ce sont les nouvelles de l’extérieur qui vont pousser le chef de l’État à agir : la décision de Donald Trump de fermer ses frontières, l’étude de The Lancet, qui montre que les population­s plus jeunes et en bonne santé sont touchées, la décision d’autres pays européens de fermer les établissem­ents scolaires. Au retour du déjeuner, Emmanuel Macron interroge à nouveau les membres du conseil scientifiq­ue. « On leur met la pression, explique un conseiller de l’Élysée. On leur dit qu’on prend une décision sur la base de ce qu’ils vont dire. » Ils tranchent : « Ce n’est pas plus risqué de voter que d’aller faire ses courses. » Le premier ministre et le président de la République ont un échange. C’est à ce moment-là qu’est pris, selon l’Élysée, la décision de maintenir les élections municipale­s. « Quand le président appelle Gérard Larcher, il a déjà pris sa décision. Ce n’est pas le président du Sénat qui a emporté sa décision. »

« Le président du Sénat a pris la conversati­on pour une consultati­on », explique l’entourage de Gérard Larcher. Emmanuel Macron lui demande son avis sur la question du report, le président du Sénat est clair : « Si vous décidez de reporter les municipale­s, je ferai connaître mon opposition. Si vous les maintenez, je manifester­ai mon soutien. » Gérard Larcher est à ce moment-là au diapason de l’ensemble de la classe politique, qui ne connaît pas les mesures envisagées le soir même par le président de la République, et encore moins celles qui seront annoncées samedi par le premier ministre. Des mesures qui changent la donne, tant elles paraissent contradict­oires entre une injonction de confinemen­t et un encouragem­ent à aller voter.

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