LES CLÉS POUR COMPRENDRE
L’épidémie de coronavirus, qui a entraîné le ralentissement de l’économie chinoise, premier importateur mondial d’or noir, a provoqué la chute des cours. À 30 dollars, le baril de brut est deux fois moins cher qu’au début de l’année.
Et la dégringolade n’est sans doute pas terminée… 1 LA LOI DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE
Tout a commencé dans l’empire du Milieu, frappé brutalement par le Covid-19 au début de l’année. Usines fermées, citoyens confinés, aéroports bouclés, cités fantômes : les mesures drastiques prises par les autorités à Wuhan ont gelé l’économie de la Chine, deuxième consommateur mais premier importateur mondial de pétrole. En temps normal, le pays a besoin de 14 millions de barils par jour. Comme il n’en extrait que 4 millions, il achète le reste à une quarantaine de pays. L’épidémie et la récession qu’elle alimente font que Pékin a réduit ses besoins de 3 millions de barils par jour. Mathématiquement, l’offre étant devenue supérieure à la demande, les prix ont chuté illico. C’est le dévissage le plus spectaculaire depuis la première guerre du Golfe, en 1991 : le baril a perdu 50 % de sa valeur en 10 semaines et 25 % pour la seule journée du 9 mars. Parallèlement, le coronavirus s’est propagé au reste de la planète, qui apparaît désormais comme tétanisée. La fermeture des frontières et la suspension du trafic aérien contractent un peu plus la demande : 4 millions de barils par jour en moins (selon les experts de Goldman Sachs), contre 1 million de barils lors de la crise des subprimes en 2009 et 2,65 millions de barils lors du choc pétrolier de 1980.
2 GUERRE DES PRIX CHEZ LES PRODUCTEURS
Le 6 mars, alors que le baril venait de passer sous la barre des 45 dollars, les pays de l’Opep + (qui regroupe les 13 membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole – plus 11 autres nations productrices) se sont réunis à Vienne, en Autriche. Afin d’enrayer la chute des cours, l’Arabie saoudite (troisième producteur mondial) a demandé à la Russie (deuxième producteur derrière les États-Unis) de réduire sa production. Il s’est heurté à un niet catégorique des Russes. Selon eux, ce serait « masochiste » puisque cela profiterait d’abord aux Américains qui ont besoin de prix du baril élevés pour rentabiliser leur pétrole de schiste. Le royaume wahhabite, qui dispose de plusieurs dizaines de millions de barils en stock, a riposté en ouvrant les vannes et en cassant les prix. Objectif : garder ses parts de marché même si les gains sont moindres. Prévue pour faire plier Moscou, cette manoeuvre a surtout pour effet de précipiter l’effondrement du marché. Donald Trump, qui veut protéger son industrie pétrolière et rassurer ses compatriotes, n’est pas en reste : il vient de demander à son secrétaire d’État à l’énergie d’acheter « à très bon prix de grandes quantités de brut pour les ajouter aux réserves stratégiques américaines ».
3 UNE RÉCESSION CONTAGIEUSE
Paradoxalement, les deux principaux acteurs de cette guerre des prix pourraient être les premiers à en souffrir ! En effet, on estime que Moscou n’équilibre ses finances publiques que si le prix du baril dépasse 42 dollars. Pour Riyad, le déficit se profile dès qu’il descend sous le seuil de 83 dollars. Avec un baril actuel autour de 30 dollars, les deux producteurs sont donc perdants. Mais la Russie a une économie diversifiée et l’Arabie saoudite des comptes en banque bien remplis. Ce n’est pas le cas de la majorité des pays producteurs, dont les revenus ne dépendent que du pétrole et qui fonctionnent à flux tendu : Iran, Irak, Nigeria, Angola, Algérie (95 % de ses recettes à l’exportation proviennent des hydrocarbures). Comme le note l’Agence internationale de l’énergie, les plus dépendants ne pourront plus financer les « dépenses essentielles comme la santé ou l’éducation ».
Et la même instance de prévoir des conséquences désastreuses pour la stabilité de régions déjà fragiles. D’autant que le continent africain, jusqu’ici relativement épargné par le coronavirus, commence à être touché…