LES RENDEZ-VOUS
Se retournant sur son parcours, le fondateur du groupe Expansion et de Radio Classique délivre ses conseils de mesure, d’allègement, de sagesse. Pour oublier que le temps passe.
Jean-Louis Servan-Schreiber nourrit de longue date un contentieux avec le temps qui passe. Si l’histoire le passionne depuis toujours, l’avenir reste sa ligne d’horizon. « Être obsédé par le temps, dit-il lors d’un déjeuner de gourmet préparé par son épouse Perla (auteur de plusieurs guides de cuisine de référence), cela consiste à s’efforcer de ne pas le dilapider – et donc de vivre avec intensité le présent. » À première vue, il y a de l’épicurisme et de la joie de vivre dans cette assertion qui n’aurait pas déplu à Jean d’Ormesson. Mais l’auteur de L’Art du temps se voit du côté de Blaise Pascal et de Confucius plutôt que des philosophes du plaisir et de l’instant. Servan-Schreiber se méfie de Dionysos et des passions qui l’accompagnent. C’est son côté janséniste, qu’il revendique avec force. D’ailleurs, il saute chaque jour un repas depuis près de quarante ans – ce qui lui permet de garder, à 80 ans passés, une taille de jeune homme.
Après une vie menée à batailler pour se tailler un petit empire dans la presse (L’Express, le groupe Expansion, Psychologies Magazine, ou encore Radio Classique), JLSS professe désormais une pensée de l’allègement, qu’il expose dans un ouvrage plein de charme et de bon sens. En une vingtaine de chapitres, et une foule de maximes à la façon des moralistes français des XVIIe et XVIIIe siècles, il dispense, à l’intention d’une époque trop pressée, quelques conseils de vie calme, intérieure et équilibrée. « Plus j’avance dans l’âge, dit-il, plus je découvre combien l’inné s’impose contre l’acquis. » Et d’ajouter : « L’humeur, que je croyais naturelle jusque-là, me paraît être aujourd’hui totalement dépendante du corps. » D’où la pratique quotidienne de sport qu’il s’impose depuis l’adolescence afin de ne pas vieillir. À la différence de Malraux qui ne s’intéressait guère à sa propre personne, Servan-Schreiber tire ses aphorismes de son observation dans le miroir.