Le Figaro Magazine

d’Éric Zemmour

- Éric Zemmour

Aplusieurs, on est plus forts. La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir. Nous devons bâtir une souveraine­té européenne. Nous connaisson­s tous ces phrases célèbres. Phrases devenues slogans, devenus idéologie dominante, devenue vérités d’Évangile, devenues éléments de langage inlassable­ment rabâchés. Mais quand la mort rôde, ce n’est pas vers la Commission de Bruxelles que les peuples tendent des regards inquiets, mais vers leur État-nation. Cet État-nation qu’on présente depuis des décennies comme un objet du passé. Cet État-nation qui s’empare pourtant à bras-le-corps de la question des soins et des interdicti­ons. Mais un État-nation affaibli qui n’a plus sa capacité de prospectiv­e d’antan ni les moyens budgétaire­s suffisants pour avoir un hôpital public digne de sa réputation. Quand les Italiens de Lombardie sont pris à la gorge par le virus, ils se tournent vers Rome, pas vers Bruxelles. Ils notent en passant que Paris se moque d’eux et que Berlin leur refuse du matériel médical. C’est la solidarité européenne. Les Italiens ferment leurs frontières avec la France tandis qu’à Paris, Emmanuel Macron explique d’une jolie formule, très française, que « le virus n’a pas de passeport ». Les malades atteints du virus, eux, ont un passeport : les Chinois d’abord infectés ou les Italiens atteints. Mais l’idéologie sans-frontiéris­te est plus forte que tout.

Pourtant, les pays ferment leurs portes, l’Allemagne en tête, mais aussi la Hongrie, la République tchèque, l’Autriche, tandis qu’à Paris Emmanuel Macron en est encore à réclamer la fermeture des frontières à l’extérieur de Schengen. Notre président ne se rend pas compte que Schengen n’existe plus quand la vie est en jeu. En revanche, il a très bien compris que Maastricht était mort. Cette fois, ce sont les Allemands qui ne veulent pas entendre raison et s’accrochent aux règles budgétaire­s. Chacun son idéologie dominante et ses intérêts. Le problème, c’est qu’on n’a pas les mêmes. Alors, à plusieurs, on n’est pas plus forts mais plus faibles.

Tous les yeux se tournent vers la BCE. On pense qu’elle va, comme en 2008, sauver la situation en faisant marcher la planche à billets. Mais Lagarde n’est pas Draghi. La Française a irrité les Italiens en donnant l’impression de se moquer des différence­s éventuelle­s de « spread » – ces fameux taux d’intérêt payés aux prêteurs par les États. Heureuseme­nt pour elle, le soufflé médiatique est retombé, le coronaviru­s emportant tout.

Mais cette épidémie remet en cause plus largement tous les préceptes qui règnent à Bruxelles depuis des lustres. La mondialisa­tion est vue enfin comme une sinisation dangereuse pour notre santé et notre indépendan­ce ; on parle de réindustri­alisation, de circuits courts ; le droit et le commerce ne peuvent rien contre les virus ; les technocrat­es de Bruxelles sont apathiques et impuissant­s ; les États nationaux demeurent indispensa­bles et indépassab­les. Il n’y a pas de peuple européen, il n’y a donc pas de nation européenne ni de souveraine­té européenne. Le coronaviru­s est un révélateur impitoyabl­e. Il a déchiré sans vergogne la tunique sans couture de l’européisme.

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