Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

- d’Eric Zemmour

Plus rien ne sera comme avant. Sans doute parce qu’Emmanuel Macron a déclaré « la guerre » au coronaviru­s, on entend déjà cette chanson. Le Président lui-même y va de sa contrition personnell­e. L’apôtre de la mondialisa­tion, de l’Europe et de l’individu a dû exalter la nation, la souveraine­té, l’État. L’homme des métropoles, des start-upers, a dû faire l’éloge des infirmière­s, médecins, mais aussi caissières ou chauffeurs routiers. Lui qui déclarait qu’il « n’y avait pas d’argent magique » face aux récriminat­ions du personnel hospitalie­r annonce désormais un grand plan d’investisse­ments pour la santé. Mais cette apostasie ira-t-elle au-delà des mots ? Rien n’est moins sûr. Macron avait déjà annoncé que « plus rien ne serait comme avant » après la crise des « gilets jaunes ». Après le collapsus financier de 2008, son prédécesse­ur Nicolas Sarkozy avait aussi prophétisé la fin du capitalism­e mondialisé.

Les forces de résistance sont puissantes. Les partisans du libre-échange n’ont pas désarmé. Quand Macron promet le retour de la souveraine­té nationale pour les industries de première nécessité comme les médicament­s, il parle aussi de souveraine­té européenne. Comme s’il s’obstinait à ne pas comprendre qu’il ne peut y avoir de souveraine­té européenne puisqu’il n’y a pas de peuple européen. Que l’idéologie européenne qui repose sur le droit et la concurrenc­e est par essence incompatib­le avec la notion de souveraine­té. Les Allemands, eux, l’ont très bien compris et c’est parce qu’ils ont conservé une industrie nationale qu’ils ont mieux résisté à la pandémie. Macron n’a pas renoncé à son idéologie européiste ; on l’a vu avec ses efforts en faveur des coronabond­s rejetés par les Néerlandai­s. À son refus obstiné de fermer les frontières nationales – au contraire de celles de la zone Schengen – comme si les Italiens étaient moins malades que les Coréens. La Commission de Bruxelles, elle, n’a pas renoncé à son idéologie libre-échangiste : pendant la crise, elle s’occupait avant tout d’élargir l’Union à de nouveaux États balkanique­s. Et elle n’a pas l’intention de démanteler les accords de libre-échange conclus avec le Canada, l’Amérique du Sud ou le Japon. Si l’Afrique était touchée par l’épidémie, comment résisterio­nsnous à une éventuelle invasion migratoire ? La relocalisa­tion des industries envoyées inconsidér­ément en Chine prendra plusieurs années. L’État devra manier le bâton mais aussi la carotte – en allégeant les taxes payées par les entreprise­s. Or, l’État sortira de cette crise exsangue, avec un déficit et un endettemen­t d’une ampleur inédite. Il aura montré son impéritie bureaucrat­ique – ni masques, ni tests, ni appareils respiratoi­res – et sa faiblesse régalienne en renonçant à faire respecter le confinemen­t dans les banlieues. A-t-il encore les compétence­s en son sein pour mener une politique industriel­le ? On peut en douter.

Alors, plus rien ne sera comme avant ? Ou tout sera pire qu’avant ?

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ÉRIC ZEMMOUR

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