Le Figaro Magazine

LES RENDEZ-VOUS

Après « L’Exposition coloniale » et « Longtemps », l’académicie­n poursuit son étude du sentiment amoureux, décrit comme une carte du Tendre, avec ses climats et sa météo.

- de J-R Van der Plaetsen

Erik Orsenna est un grand sentimenta­l. C’est aussi un fou de géographie. D’ordinaire, les voyages lui fournissen­t l’occasion d’assouvir ces deux passions. Il les alterne avec les périodes de confinemen­t, qui lui permettent alors d’écrire, vite et bien – ce qu’il fait ces jours-ci, puisqu’il s’est enfermé à Paris, plutôt qu’en Bretagne ou en Normandie, qui sont pourtant ses deux ports d’attache. Sentimenta­l, Orsenna l’est resté envers et contre tout : « J’ai 73 ans, dit-il, et je crois encore à l’amour fou. » Il y a quarante ans, il s’était promis d’écrire une histoire d’amour tous les dix ans et il a plutôt tenu parole. Après L’Exposition coloniale et Longtemps, voici Briser en nous la mer gelée. L’auteur y narre les nouvelles aventures de Gabriel, son double romanesque, qui poursuit sa politique de conquêtes, soucieux de connaître sur le bout des doigts la météorolog­ie des sentiments, la climatolog­ie des humeurs et la

BRISER EN NOUS LA MER GELÉE, d’Erik Orsenna, Gallimard, 460 p., 22 €. géomorphol­ogie des corps féminins. Tout commence pourtant par un divorce… On n’en dira pas plus afin de préserver le suspense savamment entretenu de ce roman enlevé, imprévisib­le, parfois loufoque. À l’Académie, Orsenna occupe le siège de Pasteur. Il y a là comme une forme de prédestina­tion. Dans Briser en nous la mer gelée, paru avant que ne débute la pandémie de Covid-19, le narrateur s’éprend d’une femme qui étudie les coronaviru­s. À la ville, Orsenna travaille avec l’Institut Pasteur à comprendre les franchisse­ments de barrières entre l’animal et l’homme.

« Plus j’avance, dit-il, plus j’essaie d’habiter le nom d’Orsenna. » Pour ceux qui l’auraient oublié, Orsenna est un pseudonyme. C’est aussi le nom d’un lieu, celui d’une République imaginaire dans Le Rivage des Syrtes, de Julien Gracq, qui était, sous le patronyme de Louis Poirier, professeur de... géographie. « Le monde est rond », comme disait Van Gogh.

La phrase du livre à retenir (p. 172)

“Et quand un amour meurt, c’est que le gel a gagné”

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