Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL de Guillaume Roquette

- Guillaume Roquette Directeur de la rédaction du Figaro Magazine groquette@lefigaro.fr @G_Roquette

C’est la dernière fable à la mode. Si la France est à ce point atteinte par le coronaviru­s, c’est parce qu’elle est un pays… « ultralibér­al ». Les morts du Covid-19 seraient les ultimes victimes d’une politique d’austérité ayant tragiqueme­nt appauvri l’État au bénéfice d’une minorité de privilégié­s. Drôle de point de vue en vérité : le pays qui gère le mieux la pandémie, l’Allemagne, n’est pas exactement communiste et ne consacre pas plus d’argent public que nous à son système de soins.

La réalité est plus blessante pour notre orgueil national : cette crise révèle crûment, douloureus­ement, la réalité d’un pays « déclassé », pour reprendre le terme si juste de l’historien Pierre Vermeren dans Le Figaro. Un pays qui confine ses habitants chez eux, comme au Moyen Âge, faute d’un outil industriel capable de produire les équipement­s (tests, respirateu­rs…) nécessaire­s à leur protection. Un pays où l’on ressort les machines à coudre des greniers pour tailler dans des morceaux de tissu les masques que l’administra­tion n’est pas capable de fournir. Un pays où des banlieues sécessionn­istes provoquent chaque nuit une police débordée. Un pays qui, comme lors de la crise financière de 2008, ne trouve pour l’instant rien d’autre à faire que d’augmenter encore une dette publique déjà vertigineu­se pour essayer d’échapper à la catastroph­e économique qui s’annonce. Choix inévitable sans doute mais qui n’en reste pas moins celui de la facilité, surtout s’il s’accompagne tôt ou tard, comme on peut légitimeme­nt le redouter malgré les démentis officiels, d’une augmentati­on d’impôts.

Mais se lamenter ne servira à rien. Comme toutes les grandes catastroph­es, cette pandémie peut aussi être l’occasion d’un sursaut. Et ce n’est pas un voeu pieux : l’incroyable mobilisati­on des personnels soignants depuis un mois et demi prouve, s’il en était besoin, que notre pays est capable du meilleur. Comme le démontrent, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, les innombrabl­es initiative­s prises par des entreprise­s de toute taille pour pallier en urgence absolue la pénurie d’équipement­s de santé.

Bien sûr, nous sortirons terribleme­nt affaiblis de cette épreuve. Il va falloir tout à la fois nous remuscler (en travaillan­t plus), regagner de la mobilité (en combattant la bureaucrat­ie d’État), perdre notre mauvaise graisse (en concentran­t la dépense publique là où elle est vraiment nécessaire), mais aussi – et ce sera sans doute le plus difficile – combattre l’hypertensi­on que provoquent depuis tant d’années les affronteme­nts stériles entre idéologues de tout poil. Que vont faire nos dirigeants ? Soit ils sortent de leur chapeau un « gouverneme­nt d’union nationale » ou un « nouveau pacte républicai­n » pour amuser la galerie, soit ils reconnaiss­ent lucidement les changement­s à mettre en oeuvre pour redevenir un grand pays. Cette guerre-là n’est pas encore commencée, elle sera la plus difficile à gagner.

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