EN VUE François-Xavier Clément
C’est du jamais-vu dans l’histoire de Saint-Jean de Passy : François-Xavier Clément, directeur de ce prestigieux établissement scolaire (2 800 élèves) du 16e arrondissement de Paris, ainsi que Jean Ducret, préfet des premières et terminales, ont été mis à pied le 14 avril avant d’être convoqués cette semaine à un entretien préalable de licenciement. Le motif de ce limogeage brutal, en pleine période de confinement ? Un rapport, réalisé par un cabinet de ressources humaines à la demande du conseil d’administration (et notamment du directeur diocésain de l’enseignement catholique à Paris, Jean-François Canteneur, qui y siège), pointe des « pratiques managériales dysfonctionnelles portant atteinte à la santé et à la sécurité physique et psychique des collaborateurs ».
L’accusation est violente. « Il n’est en aucun cas question de soupçons d’agressions sexuelles ni envers les enseignants ni envers les élèves », s’est cru obligé de préciser dans un communiqué, pour lever toute ambiguïté, François-Xavier Clément, profondément meurtri et totalement surpris par cette affaire. Mais pourquoi, au cours de l’enquête, si peu de professeurs ont été entendus, « alors que le chef d’établissement est leur supérieur hiérarchique et qu’ils sont des acteurs manifestes de la vie de l’école ? », interroge un collectif de professeurs. « Nous témoignons de l’engagement pédagogique, éducatif et spirituel de Monsieur Clément dont nous reconnaissons les qualités réelles pour diriger un établissement de cette ampleur », disent-ils. François-Xavier Clément est-il la victime d’une obscure guerre de palais ? La direction diocésaine de l’enseignement catholique a la réputation de ne guère apprécier les chefs d’établissement insuffisamment dociles. Certains reprocheraient, par ailleurs, à François-Xavier Clément l’instauration, en 2017, du port de l’uniforme à partir du collège ; d’autres de vouloir remettre la foi au coeur de l’éducation intégrale dispensée aux élèves, dans la continuité des principes chers aux Frères des écoles chrétiennes. Les messes sont certes un peu plus nombreuses qu’avant, des confessions et des chapelets sont proposés aux élèves, une statue de la Vierge est apparue dans la cour de Saint-Jean. Mais, peut-on reprocher au directeur d’un établissement catholique d’être… trop catholique ?
Du côté du conseil d’administration, on met en avant les conclusions du cabinet de ressources humaines faisant état de « perceptions hétérogènes de la situation au travail » chez les cadres de l’établissement. Parmi ceux-ci, 21 % témoignent d’un impact sur leur santé ou de la mise en place de « stratégies de contournement ». Le cabinet parle même d’un « système managérial maltraitant », tout en indiquant que 44 % des cadres témoignent de leur bien-être au travail.
Beaucoup de parents d’élèves apprécient en tout cas les qualités humaines, spirituelles et le sens de l’écoute des deux éducateurs. Au début du confinement, la conférence vidéo de François-Xavier Clément, philosophe de formation, avait marqué les esprits. Une pétition a été lancée sur la toile pour le soutenir, ainsi que Jean Ducret, hospitalisé suite au choc provoqué par sa révocation. En moins d’une semaine, elle a rassemblé plus de 4 280 signatures et d’innombrables commentaires dénonçant la brutalité de la procédure de licenciement : un huissier a débarqué au domicile des intéressés, au lendemain du lundi de Pâques, pour saisir ordinateur professionnel et badge d’accès à l’établissement ! « Ce comportement n’est pas conforme à la charité chrétienne ni digne d’une institution qui se dit catholique », tempête un parent d’élève, ancien responsable de l’Apel (Association des parents d’élèves de l’enseignement libre). D’autant que les résultats scolaires ont grimpé en flèche depuis son arrivée, en 2014 : Saint-Jean de Passy a récolté 99 % de mentions au bac 2019, dont 66 % de « très bien » !