QUAND LE POISON DU SOUPÇON S’INTRODUIT DANS LA DIPLOMATIE Par François d’Orcival
Par François d’Orcival
C’est devenu un épisode d’une guerre psychologique mondiale. Et c’est la France qui le dit, en langage diplomatique certes, mais le dit clairement. Le mardi 14 avril, Jean-Yves Le Drian, le seul de nos ministres qui soit passé directement de la Défense aux Affaires étrangères, fait savoir qu’il a convoqué le matin même l’ambassadeur de Chine au Quai d’Orsay.
Il l’a appelé pour se plaindre. Une première, car Le Drian s’était entretenu à quatre reprises, en moins de deux mois, avec le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, pour se féliciter de la qualité des relations francochinoises en ces temps de crise. Or, ce mardi-là, il s’est mis en colère – en faisant
« connaître clairement sa désapprobation » à l’ambassadeur…
Le diplomate chinois venait en effet de se livrer à une longue accusation de l’Occident, et de la France qu’il ne nommait pas, coupable d’avoir abandonné ses citoyens « à l’hécatombe virale », de « s’entre-dérober des fournitures médicales », de renoncer à « ses postes dans les Ehpad », de répéter « mille fois
des mensonges contre la Chine », etc. Surtout, lorsque 80 parlementaires français se laissent aller à soutenir Taïwan !
Deux jours plus tard, Emmanuel Macron reprenait le propos de son ministre en s’interrogeant, dans le Financial Times, sur les agissements réels de la Chine en matière de sécurité sanitaire. Le même jour, Londres invite à son tour Pékin à répondre « à des questions difficiles sur l’apparition du virus », tandis qu’à Washington, Donald Trump s’interroge sur ce « virus né à Wuhan, en
Chine », non loin du marché de la rue – d’où il se serait ensuite généralisé.
Étrange comportement chinois alors que jusque-là, chacun, si ce n’est les Américains, faisait très attention à maintenir ses relations, notamment commerciales, avec Pékin. Le Drian expliquait à nos députés qu’un pont aérien avait été organisé avec la Chine depuis des semaines pour importer 2,5 milliards de masques « d’ici à la fin du mois de juin »…
C’est dire dans quelle situation nous nous étions placés. Mais, pour reprendre les mots de Renaud Girard dans Le Figaro, « si faire payer Pékin n’est pas en notre pouvoir, nous pouvons en revanche réduire drastiquement notre dépendance à l’égard de la Chine ». À commencer par les médicaments, mais il faudra des mois, si ce n’est des années, pour y parvenir ! En attendant, dit Le Drian, « nous traversons la plus grande crise mondiale depuis la guerre de 1939-1945 »…