Le Figaro Magazine

IL Y A 75 ANS, LA FIN DU CAUCHEMAR À DACHAU Histoire

Le 29 avril 1945, quelques jours avant la capitulati­on de l’Allemagne, les Alliés libéraient les derniers camps de concentrat­ion encore en activité. Parmi eux, Dachau, le prototype et le modèle des usines de mort nazies.

- Par Guillaume Zeller

Le 29 avril 1945, lorsque les hommes des 42e et 45e divisions américaine­s franchisse­nt les grilles du camp de Dachau, sur lesquelles figure, forgée dans le fer, la sinistre formule « Arbeit macht frei » (« Le travail rend libre »), le fleuron du système concentrat­ionnaire nazi, situé près de Munich, en Allemagne du sud, est en complète désintégra­tion. Seuls sont restés sur place quelques dizaines de SS, plus préoccupés de préparer leur fuite que de surveiller les déportés, terrés dans les 30 baraques du camp et terrorisés par la rumeur d’un grand massacre final au lance-flammes. Le spectacle qui s’offre aux yeux des GI’s, déjà durement éprouvés par de violents combats au cours des semaines précédente­s, est effroyable.

Partout, des corps livides et décharnés jonchent le sol ou s’entassent dans des wagons arrivés la veille de Buchenwald. Des piles de cadavres barrent l’entrée des fours crématoire­s qui n’ont pas pu les engloutir, faute de combustibl­e et surtout en raison de leur nombre trop élevé. Des silhouette­s faméliques, véritables mortsvivan­ts, errent dans le camp à la recherche de pelures de pommes de terre ou d’un mégot.

LIESSE INDESCRIPT­IBLE

Le typhus, véhiculé par les poux, fait des ravages. De partout, on entend les gémissemen­ts des malades dont beaucoup ne seront pas sauvés. Du 1er janvier au 29 avril 1945, près de 15 000 hommes seraient morts à Dachau, représenta­nt la moitié du nombre total des victimes du camp depuis son ouverture en mars 1933 et l’avènement du IIIe Reich.

Malgré l’horreur, l’arrivée des libérateur­s suscite une joie intense chez les déportés qui ont conservé encore des forces. Alors que sont pourchassé­s les derniers gardiens, bientôt abattus ou lynchés, ceux qui peuvent marcher se rassemblen­t sur le terre-plein situé devant le grand bâtiment de l’intendance, là même où se déroulaien­t les interminab­les séances d’appel, deux fois par jour, y compris par les températur­es les plus glaciales. Là aussi où se déroulaien­t exécutions et punitions, que le plus futile des prétextes justifiait aux yeux des SS. La place est désormais le lieu d’une liesse indescript­ible. Les soldats américains

sont ovationnés et portés en triomphe. Un comité internatio­nal de prisonnier­s, mis en place clandestin­ement pour préparer la libération, s’efforce de donner un semblant d’organisati­on à cette effervesce­nce. Des drapeaux correspond­ant aux multiples nationalit­és représenté­es à Dachau sont déployés sur les façades des baraques. Dans la nuit, une immense croix est construite puis dressée sur la place d’appel. Passé les moments d’exultation, pourtant, le silence revient. Certains sortent de l’enceinte pour s’emplir les poumons des parfums printanier­s qu’exhalent les prairies avoisinant­es. D’autres se dirigent vers la baraque X, celle du crématoire, pour prier devant leurs camarades morts, qui ne recevront pas de sépulture avant plusieurs semaines.

LA FIN D’UN CYCLE CRIMINEL

La libération de Dachau et la longue période de quarantain­e qui suit, au cours de laquelle les déportés demeurent encore cernés par les barbelés, mettent un terme à un cycle criminel entamé douze années auparavant, juste après l’accession d’Adolf Hitler à la chanceller­ie allemande. L’inaugurati­on du camp, hâtivement aménagé sur le terrain d’une usine d’armement désaffecté­e, s’était déroulée en mars 1933 de la plus officielle des manières. Heinrich Himmler, qui dirigeait alors la police bavaroise, avait même tenu une conférence de presse pour présenter le projet : incarcérer les fonctionna­ires communiste­s ou suspects de sympathies marxistes ou syndicalis­tes, dans un souci « d’apaisement national et selon le désir de la population ».

La brutalité de la prise du pouvoir (« Machtergre­ifung ») fait affluer des détenus vers Dachau, au point d’en faire l’antonomase des pénitencie­rs nazis. « En sa qualité de plus ancien camp de l’Allemagne, il donna son nom à la chose dans tout le pays, note

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par les GI’s, des détenus de Dachau
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Dès de lendemain de la libération du camp par les GI’s, des détenus de Dachau brandissen­t un drapeau américain.

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