LA PAGE HISTOIRE de Jean Sévillia
Constamment rééditée depuis près d’un siècle, l’« Histoire de France », de Jacques Bainville demeure un ouvrage de référence.
Atout seigneur, tout honneur : pour inaugurer cette chronique consacrée, pendant quelques semaines, à ces classiques de l’histoire que l’on trouve dans les bonnes bibliothèques familiales et, par ailleurs, accessibles au format numérique, commençons par l’Histoire de France, de Jacques Bainville. Paru en 1924, il fut, avec 340 000 exemplaires vendus, un best-seller de l’entre-deux-guerres, et depuis n’a jamais cessé d’être réédité. Journaliste et essayiste, Bainville écrivait deux éditoriaux par jour, l’un dans La Liberté, un quotidien conservateur, et l’autre dans L’Action française, l’organe royaliste dont il partageait les convictions. Mais cet esprit aigu produisait également cinq à six articles hebdomadaires dans ses domaines de prédilection – politique étrangère, analyse économique et financière, critique littéraire et théâtrale –, sans compter la direction de La Revue universelle qu’il avait fondée avec Henri Massis. Son élection à l’Académie française, en 1935, un an avant sa mort, avait récompensé son oeuvre d’historien, une douzaine d’ouvrages parmi lesquels cette Histoire de France dont l’audience avait très largement dépassé, comme la personnalité de l’auteur, les milieux monarchistes. Dans son avant-propos, Bainville confessait que, enfant, il n’aimait pas l’histoire car l’école la lui enseignait comme une succession d’événements sans liens les uns avec les autres, ce qui en rendait la lecture rebutante. Il avait donc voulu écrire une histoire de la nation française qui en restitue la logique en éclairant l’enchaînement des causes et des conséquences, les lois de l’histoire en somme, sans négliger le facteur humain. C’est ce qui rend passionnant, de nos jours encore, cette Histoire de France qui date pourtant de près d’un siècle. À l’évidence, l’ouvrage a vieilli par certains aspects : ce que Bainville raconte sur les Gaulois est dépassé, tout comme sa tendance à analyser dès le Moyen Âge la politique étrangère de la France à travers le prisme de la rivalité franco-allemande est trop systématique. Mais ce livre reste un puissant récit explicatif de notre passé national, écrit en outre dans une langue superbe, ce qui n’est pas un mince atout. Histoire de France, de Jacques Bainville, 1924. Réédité notamment par Tempus (avec une préface de Franz-Olivier Giesbert).