Le Figaro Magazine

BOUTEILLES À L’AMER

Pour tenir le choc, des restaurate­urs déstockent leur cave.

- Laurence Haloche

Quand remettront-ils le couvert ? Pas avant mi-juillet : une éternité. En attendant, même si certaines mesures sont prises, il faut saisir toutes les possibilit­és pour éviter de prendre un bouillon. Parmi les solutions choisies, de plus en plus de restaurate­urs, même étoilés, se lancent dans la vente à emporter. À Lyon, Gaëtan Gentil, du Prairial, propose un menu à retirer sur place le mercredi et le samedi. L’occasion de vendre également les cuvées des vignerons qui le fournissen­t. Un apport de trésorerie modeste mais rapide pour lequel a également opté Christian Constant, à Paris : « Il ne s’agit pas de concurrenc­er les cavistes mais de faire profiter nos clients d’une partie du stock de notre cave avec, pour nous, une marge faible. » À quelques rues du Café Constant, Louise Jacob et Sébastien Gravé, du restaurant Pottoka, préparent, eux aussi, des plats et se délestent de leurs bouteilles de vin « avec une réduction de 50 %… pour vous faire plaisir ! »

Dans ce contexte dramatique, tout est bon pour essayer de voir le verre à moitié plein. Chez Gegeor, dans le 9e arrondisse­ment, Georges Laureau (photo) n’a pas hésité à réorienter son activité en se focalisant uniquement sur ses quelque 400 références de vins et d’alcools. À droite, les tables vides du restaurant. À gauche, les rayons où s’alignent les flacons de vignerons indépendan­ts (Jacky Blot, Marcel Lapierre, Jo Landron…). Masques donnés par la mairie, nettoyage fréquent du terminal de paiement, lavage des mains… Toutes les précaution­s sont prises. Et les clients du quartier, invités à entrer un par un, répondent présents : « Nous avons multiplié par trois le volume de nos ventes avec un panier moyen moins élevé mais plus de visites, explique le jeune patron. Quand ils bénéficien­t encore d’un salaire, les gens cherchent à se faire plaisir. Ils cuisinent, achètent de la bonne viande, des bons produits et s’offrent un bon vin. Et de préciser : « On limite juste la casse. Loyer, charges, salariés… L’objectif n’est pas de gagner de l’argent, mais d’essayer de sauver la baraque ! » Aux États-Unis, pour faire face à la crise, des chefs n’hésitent pas à se séparer de leurs plus grands millésimes, à l’exemple de David Kinch, triplement étoilé, qui a vendu aux fidèles clients du Manresa pour plus de 40 000 dollars en une semaine. Un ultime recours qui, pour le moment, ne semble pas séduire les grandes maisons françaises. À La Tour d’Argent, André Terrail l’affirme : pas question de vendre son inestimabl­e collection.

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