Le Figaro Magazine

DEUX SOVIETS EN ALTITUDE

ALPINISTES DE STALINE, de Cédric Gras, Stock, 322 p., 20,50 €.

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Aeux deux, ils furent de presque tous les coups, de toutes les premières.

Ils racontent l’URSS, par le prisme des neiges. » Cédric Gras raconte dans son livre la destinée incroyable des frères Abalakov, deux fils de cosaques ayant grandi en Sibérie. Evgueni est né en 1907, Vitali en 1906. Dès leur jeunesse, ils se passionnen­t pour l’escalade et l’alpinisme. Peu après la révolution ils sont amenés à déposer des bustes de Lénine, puis de Staline, sur les plus hauts sommets de l’Union. L’aîné perd plusieurs phalanges de ses doigts comme de ses orteils lors de l’ascension du Khan Tengri en 1936.

Il en restera mutilé à vie. Le cadet, sculpteur pour la propagande, devient une star de l’alpinisme. Entre-temps sont arrivées les grandes purges : il faut supprimer les héros ou témoins de 1917. La paranoïa règne, les fusillades sont partout. Vitali est forcé de signer de faux aveux dans lesquels il s’accuse d’avoir collaboré avec des espions étrangers et fomenté un attentat sur la place Rouge. Il sortira de prison, miraculeus­ement, deux ans plus tard. Pendant ce temps, son frère Evgueni est devenu un héros des montagnes (avec un matériel préhistori­que) : il s’agit de montrer aux capitalist­es que les Soviets peuvent assurer dans l’exercice.

Hélas, Evgueni meurt asphyxié par une fuite de gaz dans une salle de bains en 1948. Son grand frère estropié décide de le remplacer et part reconquéri­r les plus hauts sommets du pays. Il rêve de l’Everest mais ne pourra jamais s’y rendre, avant de s’éteindre en 1986. Alpinistes de Staline est plus qu’un récit sur l’héroïsme des obsédés des cimes, c’est aussi une leçon d’histoire. Ascension et chute d’une nation : le même destin que beaucoup d’alpinistes désormais oubliés.

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