DE ROCAMADOUR À PADIRAC, LE LOT EN LIBERTÉ Carnets de voyage
Georges Pompidou et Françoise Sagan ont fait du Lot le symbole des étés insouciants de la campagne française. Un concentré de douceur de vivre que porte aujourd’hui une nouvelle génération.
La lumière et la liberté, voici planté le décor des vacances dans le Lot. C’est ce qu’aimait y retrouver Georges Pompidou, dont l’ancienne ferme de Prajoux s’éternise à côté de Cajarc, quasi invisible depuis la route, silencieuse comme le sont parfois les souvenirs des jours heureux. L’ancien président de la République aimait à exalter « le silence profond et la sérénité du causse qui amène la paix intérieure propice à la réflexion et à l’action », tandis que son épouse, Claude Pompidou, y appréciait « la lumière de la Grèce ». Ce causse, qui faisait encore dire à Françoise Sagan « ici la France paraît vide », semble dans la nuit se hisser au plus près des étoiles, comme une offrande. Un vide que Sagan recherchait dans de longues errances, esseulée, au milieu d’une végétation rabougrie. À Seuzac, dans un cimetière de carte postale, sur la tombe de l’écrivain, quelques admirateurs déposent bouchons de champagne, jetons de casino, voitures de course miniatures, sortes d’ex-voto de la joie de vivre. Sur le tour de ville de Cajarc, la maison de l’auteur de Bonjour tristesse se dresse, presque anonyme, dans ses murs bienveillants. Mais l’héritage est ailleurs, dans ces paysages inchangés que ni l’urbanisme ni le tourisme ne sont parvenus à totalement transformer. Un cliché en Technicolor sur lequel s’impriment à jamais des étés légers et insouciants.
LA RICHE VALLÉE DE LA DORDOGNE
Le plateau calcaire de l’ancienne province royale du Quercy, devenue le département du Lot, abandonné aux moutons et aux brebis, est creusé par deux vallées fertiles. Au sud, celle de la rivière Lot, bordée de vignes. Au nord, celle de la Dordogne, où noyers et maïs garnissent des plaines verdoyantes. Pays de gouffres, de grottes et de cirques, le rocher assure le grand spectacle, comme dans les ruines sublimes du château des Anglais, accrochées comme par défi à la falaise, en aplomb des abîmes. Dans la vallée de la Dordogne, on égrène, le long de routes sinueuses et pittoresques, des chapelets de villages en pierre blonde aux toitures rouges couvertes de tuiles romaines. Carennac, l’un des plus beaux, est l’aimant des voyageurs. Ce petit bourg, le long de la rivière Dordogne, organisé autour de l’ancien prieuré de Fénelon, jouit d’une église dont l’extraordinaire tympan, du pur roman, fait déplacer les foules. Partout, tout autour, surgissent des châteaux vissés sur des arêtes vertigineuses (Castelnau-Bretenoux, Bétaille, Taillefer…), derniers témoins d’un Lot féodal, misérable, ruiné par les guerres de Religion, les dominations étrangères, l’injustice et la famine. Dans un revirement de progrès, autant de décors qui suscitent la convoitise et s’arrachent à prix d’or. « Un jour, Brad Pitt s’est posé en hélicoptère à deux pas du château de Belcastel, à Lacave, qu’il voulait acheter séance tenante… Le propriétaire l’a mis dehors », raconte le maire du village. La vallée de la Dordogne concentre nombre de richesses touristiques, dont la plus importante est le gouffre de Padirac. Il y a cent trente ans, Édouard-Alfred Martel découvrait, à la lueur d’une torche, cette extraordinaire cavité, à 103 mètres sous le sol. Depuis, plus de 20 millions de personnes ont emprunté escaliers et ascenseurs pour atteindre un des endroits en Europe parmi les plus emblématiques de la vie souterraine : « Padirac est la combinaison parfaite de tout ce qu’on peut trouver sous terre ; c’est à la fois un gouffre, une grotte et une rivière souterraine, que l’on parcourt en bateau », résume Laetitia de Ménibus, à la tête de cette entreprise familiale, dont la saga a été portée sur les fonts baptismaux du hasard : « Martel avait oublié dans un fiacre les plans du gouffre que mon aïeul, George Beamish, run brasseur irlandais installé en France, lui rapporta, avant qu’il ne propose de financer l’aménagement du site », explique Laetitia de Ménibus. Tout commence, pour les visiteurs, par une plongée vertigineuse dans un univers humide et mystérieux. La remontée en barque, dans les reflets bleutés de cette rivière de l’ombre que les profondeurs semblent avoir assagie, est un moment de grâce. La découverte du Grand Dôme, salle immense sous 95 mètres de hauteur, subtilement éclairée, relève de la magie.
LE PASSAGE DE TÉMOINS
On comprend le succès de cette attraction géologique qui a accueilli l’année dernière 503 000 visiteurs, irriguant dans toute la région un flux providentiel. De quoi booster les initiatives d’une nouvelle génération. « Mes copains restent de plus en plus au pays, parce qu’ils trouvent du boulot ici », explique un restaurateur de Martel, Adrien Castagné, 28 ans, qui, avec son frère Romain, a rouvert le moulin à huile familial : « Nous allons produire une huile de noix selon des méthodes familiales et traditionnelles uniques. » Une expérience qui serait suivie de près par le chef parisien Thierry Marx.
En voisin, à Mayrac, Julien Dale a ouvert une boutique où l’on trouve tout ce qu’il faut pour casser la croûte. Et, à Loubressac, classé parmi les plus beaux villages de France, deux trentenaires, formés à l’hôtellerie du luxe parisien, Romain Hernandez et Christophe Mercié, ont décidé de quitter la capitale pour reprendre un petit hôtelrestaurant, Le Cantou, qu’ils ont revisité dans l’esprit « pop chic ». Un passage de témoins sur lequel veillent, quelques mentors. Parmi eux, Stéphanie Gombert, à la tête d’une véritable institution, le château de la Treyne (Relais & Châteaux), dont la silhouette altière, en sur
PADIRAC EST LA COMBINAISON PARFAITE DE TOUT CE QU’ON PEUT TROUVER SOUS TERRE ; C’EST À LA FOIS UN GOUFFRE, UNE GROTTE ET UNE RIVIÈRE QUE L’ON PARCOURT EN BATEAU