ZÉRO DE CONDUITE
Ca doit être démodé. Les célébrités ne se tuent plus en voiture. Cette mythologie a du plomb dans l’aile. À une époque, cela n’arrêtait pas. James Dean ne serait pas devenu une légende sans sa Porsche Spyder. L’Aston Martin de Roger Nimier percute un poteau sur l’autoroute de l’Ouest. Jean-René Huguenin n’aurait jamais dû monter dans cette Mercedes. La marque Facel Vega évoque aussitôt le destin tragique d’Albert Camus. On voit par là que les écrivains étaient plus à l’aise avec un stylo qu’avec un volant. Malgré son chauffeur, la Buick de Jayne Mansfield s’écrasa sous un camion, comme la décapotable rouge de Bardot dans Le Mépris. La Renault 10 de Françoise Dorléac n’a pas réussi à atteindre l’aéroport de Nice. La Rover de Grace Kelly rata un virage sur la corniche. Il y avait ces coups de klaxon, ces traces de freins sur le bitume, ces bruits de tôle froissée. Ces faits divers avaient droit aux unes des journaux. Pour les romanciers, l’accident était un moyen pratique de terminer un livre. Il faut constater que ces exemples se font rares. La faute à l’alcootest et à la limitation de vitesse ? On a abattu les platanes au bord des départementales. Les radars ont poussé comme des champignons après la pluie. Les noms de Jackson Pollock, d’Alan J. Pakula, d’Helmut Newton, de Gonzague Saint Bris sautent au visage. L’Alfa Romeo de Piccoli faisait plusieurs tonneaux avant de s’immobiliser dans un champ. Ça n’était pas que du cinéma. C’étaient les choses de la vie.