NOS AMIS, NOS AMOURS, NOS EMMERDES

★★★ QUE SONT NOS AMIS DEVENUS ? , d’Antoine Sénanque, Grasset, 224 p., 18 €.

Pas de chance pour Antoine Sénanque, l’un de nos meilleurs écrivains. Il sort son premier roman pour Grasset depuis des années ; deux jours après, les librairies ferment. Dans le civil, il est neurologue. Mais, contrairement à son confrère médecin Michel Cymes, il ne sait pas tout sur tout et son contraire : il n’a donc pas pu non plus profiter des plateaux de télévision. Il n’est pas trop tard pour en parler car le livre est toujours en vente libre. Avec l’humour et la dérision qu’on lui connaît, Sénanque évoque un jeune quinqua, Pierre, directeur d’Ehpad un peu en chute libre. Sa

fille ne veut plus le voir, et le soir, il fait des détours en voiture pour retarder ses retrouvailles avec

« la femme qui ne partageait plus sa vie qu’en apparence ». « Lorsqu’on n’aimait plus l’autre, c’est qu’on n’aimait plus rien », précise-t-il. Il voit un psy, à Paris, rue du Cherche-Midi (« Je donne l’adresse parce que les psychiatres sont plus des lieux que des personnes. Des endroits où le rendez-vous avec vous-même coûte de l’argent »).

Le psy s’absente un moment. Notre héros fouille dans un tiroir, tombe sur un revolver. Le thérapeute se suicide la nuit suivante, mais la police retrouve les empreintes de Pierre sur le calibre… Que sont nos amis devenus ? n’est pas qu’un polar, c’est aussi un livre sur l’amitié (comme l’était L’Ami de jeunesse, prix Découverte Le Figaro Magazine-Fouquet’s en 2008), notamment avec un dénommé Camille, écrivain à la gloire envolée porté sur le whisky, et deux patients de l’hospice qui ne vivent que la nuit, surnommés les « hiboux ». C’est également un roman sur la perte des illusions, et comment les retrouver. Touchant comme du grand Ettore Scola.