Le Figaro Magazine

LES INDISCRÉTI­ONS

de Carl Meeus

- LES INDISCRÉTI­ONS DE CARL MEEUS

Les quinze mois de mon existence qui m’ont causé le plus de malheur auront été les quinze mois où j’ai été la plus heureuse. » Cette phrase de Marie, la fille de François Fillon, résume sans doute parfaiteme­nt ce que le candidat à l’élection présidenti­elle de 2017 et sa famille ont enduré pendant toute la campagne. Tugdual Denis a réussi l’exploit, dans son dernier livre *, de pénétrer dans l’intimité d’une famille et d’un homme jusqu’ici totalement secrets. Le journalist­e a obtenu l’accord d’Anne Méaux, la communican­te de l’ancien premier ministre, et celui de François Fillon. Il a passé plusieurs jours en immersion dans le manoir de Beaucé avec eux, l’a suivi chez ses amis, Henri de Castries, a rencontré ses proches, François Sureau, Antoine GossetGrai­nville, Bruno Retailleau.

En n’interrogea­nt que des familiers, l’auteur brosse inévitable­ment un portrait favorable d’un François Fillon qui en profite pour régler des comptes. Avec Nicolas Sarkozy en premier. L’ancien président de la République l’a égratigné dans son dernier livre, son ancien premier ministre lui rend la monnaie de sa pièce : « J’ai toujours eu du mal avec sa façon d’être. Ses méthodes. Sa conception très chef de bande de la politique et des relations humaines. […] Il a été vexé par ma victoire à la primaire. Revenir en majesté comme patron du parti après ma bagarre avec Copé pour ensuite être éliminé au premier tour ? C’était pour lui insupporta­ble. » Même pendant la tourmente, François Fillon doute des conseils que lui donne Nicolas Sarkozy : « Il est tellement tordu que je ne savais pas la part de sincérité. » Deuxième règlement de comptes : François Baroin. Fidèle au candidat, allant même au meeting du Trocadéro, le maire de Troyes a depuis pris ses distances avec un programme trop « ultralibér­al ». François Fillon n’a pas pu s’empêcher de lui envoyer un mot : « Tu me diras ce que tes patrons chez Barclays pensaient de mon programme… » Au cours d’un repas de chasse, dans le relais d’Henri de Castries dans la Sarthe, les oreilles de Baroin ont dû siffler ! Un des participan­ts estimant : « Il ne faudrait pas qu’il revienne trop rapidement dans le coin, il pourrait prendre une balle perdue… » Troisième règlement de comptes : François Hollande, « politicien sans vision ». Celui qui a toujours dénoncé un cabinet noir contre lui n’a pas changé d’avis : « Très vite, il va voir que je serai probableme­nt candidat en 2017 et que je constitue donc un problème ; il devient alors très agressif. Pendant mes affaires, durant la campagne, il n’a cessé d’exciter les journalist­es en leur racontant qu’il y avait d’autres trucs qui allaient sortir. »

Le calvaire de la campagne présidenti­elle, François Fillon y revient à plusieurs reprises. Avec cette confidence terrible : « Quand je découvre, alors que je suis à Bordeaux, que le parquet national financier ouvre une enquête, c’est là que je réalise le blast. Je me souviens notamment de mon retour en avion. Si j’avais pu ouvrir la porte pendant le vol, je me serais jeté dans le vide. » Alors que son gouverneme­nt était quasiment prêt (Baroin ou Retailleau à Matignon, Musca à Bercy, Castries aux Armées) – Antoine GossetGrai­nville avait travaillé avec ses équipes au déroulé des premières réformes –, François Fillon a failli jeter l’éponge. La veille du meeting du Trocadéro, il fête son anniversai­re en famille. L’ambiance est morose. Le déchaîneme­nt contre eux est violent. « Demain, j’arrête. Tout le monde souffre trop dans cette histoire. C’est ma décision. » Mais le soutien de sa famille, les propos d’Alain Juppé (« il m’explique que Sarko ne le laissera pas faire ») et « la puissance et la chaleur du Trocadéro m’ont fait changer d’avis ». * La Vérité sur le mystère Fillon, Plon, 280 p., 18 €.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France