LA CHRONIQUE
de François d’Orcival
Le général Lee, Christophe Colomb, Churchill, de Gaulle, Victor-Emmanuel II, Cervantès, Jefferson Davis, Louis XVI, la reine Victoria, Gallieni, Bismarck, Saint Louis, Cecil Rhodes, Theodore Roosevelt, Léopold II, Baden-Powell, James Cook, mais aussi des figures de la lutte antiesclavagiste comme Victor Schoelcher, Ulysses S. Grant ou Abraham Lincoln : chaque jour, la liste incongrue des statues de grandes figures de l’Histoire déboulonnées, retirées ou vandalisées s’allonge comme le nez de Pinocchio (tiens, au fait, Carlo Collodi est-il bien moralement correct ?). Une frénésie iconoclaste que rien ne semble pouvoir arrêter. Les activistes de #BlackLivesMatter et leurs émules européens en réclament toujours plus. Gandhi, Kitchener, le glaciologue suisse Louis Agassiz, Napoléon et Joséphine, Bugeaud, Colbert, l’amiral Nelson, La Bourdonnais, Louis XIV et plusieurs rois d’Angleterre sont aussi dans leur viseur. Il faut nourrir la Bête morale, et elle est diablement gourmande.
Que les sculpteurs se rassurent : on continue néanmoins à passer commande de statues et à en ériger. Le week-end dernier, un parti d’extrême gauche allemand (le Parti marxiste-léniniste d’Allemagne, MLPD) a joyeusement inauguré, à Gelsenkirchen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), l’installation d’une superbe effigie en métal de deux mètres de haut de Lénine. Oui, Lénine. « L’inventeur du totalitarisme » (Stéphane Courtois). Le révolutionnaire qui a permis la victoire en Russie puis le développement international d’un système politique terroriste responsable de dizaines de millions de morts. Le promoteur, dès décembre 1917, du Goulag. Le père spirituel de Staline, Mao, Pol Pot et Fidel Castro, qui, tous, se réclamaient de lui. Curieusement, aucune de nos grandes consciences morales – politiques, médiatiques ou cinématographiques – n’aura trouvé quoi que ce soit à redire à cette initiative outre Rhin. Il faut dire qu’en France, on est mal placé pour le faire. Rappelons que Lénine et Mao ont leurs statues chez nous. À Montpellier. À ce jour, personne n’a envisagé ou tenté de les déboulonner.
Elle sont jugées « historiquement correctes ». Cherchez l’erreur.