Le Figaro Magazine

L’ÉDITORIAL

- de Guillaume Roquette

Seule la victoire est belle. Et les écologiste­s peuvent se réjouir de régner désormais (fût-ce par l’entremise d’Anne Hidalgo) sur les trois principale­s villes du pays et une poignée d’autres grandes agglomérat­ions. Avec l’effet de loupe médiatique, on dirait presque que la France entière est passée au vert. Pourtant, la véritable vague de dimanche dernier fut celle des abstention­nistes : seuls quatre électeurs sur dix sont allés voter. Et sur les 236 villes françaises de plus de 30 000 habitants, les écologiste­s n’en dirigent jamais que 10. Ajoutons que le score moyen de leurs listes au premier tour des municipale­s était de 16 %, ce qui reste somme toute modeste.

Mais qu’importe la froide réalité des statistiqu­es. Comme le marxisme en d’autres temps, l’écologie est aujourd’hui forte d’un leadership moral qui lui donne toutes les audaces. Elle répond à la peur de l’avenir que provoque le réchauffem­ent climatique, elle offre un nouveau modèle de développem­ent à tous ceux qui rêvent d’un autre monde, forcément meilleur. Et tant pis si vous n’êtes pas d’accord : le camp du bien a toujours raison.

D’ordinaire, les maires, une fois élus, s’efforcent de satisfaire le plus grand nombre possible de leurs administré­s, mais l’écologie prône la rupture, pas le consensus, ce qui explique la morgue avec laquelle Anne Hidalgo applique sa politique à Paris. Elle aurait d’ailleurs tort de s’en priver puisque ses électeurs en redemanden­t. Et il est à craindre qu’elle fasse école à Marseille, à Lyon, à Bordeaux et ailleurs.

Emmanuel Macron semble tenté d’emboîter le pas à ces maires verts, mais il aurait tort d’oublier que la grande majorité des Français n’a pas voté pour eux dimanche : on peut gagner une élection sans représente­r le peuple, surtout quand autant d’électeurs se détournent des urnes. L’écologie triomphe dans les grandes villes, mais ne parle pas à ceux qui ont quitté les centres urbains, chassés par les prix de l’immobilier, ni non plus aux habitants des villes moyennes qui se préoccupen­t moins de la mobilité douce (c’est comme ça qu’on appelle la marche à pied et le vélo désormais) que de la survie de leurs petits commerçant­s.

En refusant, lundi dernier, d’abaisser la vitesse sur autoroute à 110 km/h, le chef de l’État a opportuném­ent rappelé à la raison les écologiste­s les plus radicaux. Mais, le même jour, on fermait la centrale nucléaire de Fessenheim, ce qui entraînera l’émission de millions de tonnes de CO2 supplément­aires. Encore une manifestat­ion du « en même temps » présidenti­el. Et un mauvais calcul : à vouloir satisfaire tous les camps, Emmanuel Macron risque de n’en convaincre aucun. Le score calamiteux de son parti aux municipale­s en a apporté la cinglante démonstrat­ion. Après la crise des « gilets jaunes » et la parenthèse du confinemen­t, il est temps de redonner un vrai cap à l’action publique.

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