L’ÉDITORIAL
Seule la victoire est belle. Et les écologistes peuvent se réjouir de régner désormais (fût-ce par l’entremise d’Anne Hidalgo) sur les trois principales villes du pays et une poignée d’autres grandes agglomérations. Avec l’effet de loupe médiatique, on dirait presque que la France entière est passée au vert. Pourtant, la véritable vague de dimanche dernier fut celle des abstentionnistes : seuls quatre électeurs sur dix sont allés voter. Et sur les 236 villes françaises de plus de 30 000 habitants, les écologistes n’en dirigent jamais que 10. Ajoutons que le score moyen de leurs listes au premier tour des municipales était de 16 %, ce qui reste somme toute modeste.
Mais qu’importe la froide réalité des statistiques. Comme le marxisme en d’autres temps, l’écologie est aujourd’hui forte d’un leadership moral qui lui donne toutes les audaces. Elle répond à la peur de l’avenir que provoque le réchauffement climatique, elle offre un nouveau modèle de développement à tous ceux qui rêvent d’un autre monde, forcément meilleur. Et tant pis si vous n’êtes pas d’accord : le camp du bien a toujours raison.
D’ordinaire, les maires, une fois élus, s’efforcent de satisfaire le plus grand nombre possible de leurs administrés, mais l’écologie prône la rupture, pas le consensus, ce qui explique la morgue avec laquelle Anne Hidalgo applique sa politique à Paris. Elle aurait d’ailleurs tort de s’en priver puisque ses électeurs en redemandent. Et il est à craindre qu’elle fasse école à Marseille, à Lyon, à Bordeaux et ailleurs.
Emmanuel Macron semble tenté d’emboîter le pas à ces maires verts, mais il aurait tort d’oublier que la grande majorité des Français n’a pas voté pour eux dimanche : on peut gagner une élection sans représenter le peuple, surtout quand autant d’électeurs se détournent des urnes. L’écologie triomphe dans les grandes villes, mais ne parle pas à ceux qui ont quitté les centres urbains, chassés par les prix de l’immobilier, ni non plus aux habitants des villes moyennes qui se préoccupent moins de la mobilité douce (c’est comme ça qu’on appelle la marche à pied et le vélo désormais) que de la survie de leurs petits commerçants.
En refusant, lundi dernier, d’abaisser la vitesse sur autoroute à 110 km/h, le chef de l’État a opportunément rappelé à la raison les écologistes les plus radicaux. Mais, le même jour, on fermait la centrale nucléaire de Fessenheim, ce qui entraînera l’émission de millions de tonnes de CO2 supplémentaires. Encore une manifestation du « en même temps » présidentiel. Et un mauvais calcul : à vouloir satisfaire tous les camps, Emmanuel Macron risque de n’en convaincre aucun. Le score calamiteux de son parti aux municipales en a apporté la cinglante démonstration. Après la crise des « gilets jaunes » et la parenthèse du confinement, il est temps de redonner un vrai cap à l’action publique.