FESSENHEIM, SACRIFIÉE SUR L’AUTEL VERT
Le second réacteur de la centrale nucléaire a cessé de fonctionner. La région va en payer le prix. L’usager d’EDF aussi.
Les ingénieurs nucléaires d’EDF en ont eu mal au coeur. Ils n’ont voulu personne avec eux quand ils ont dû arrêter définitivement le second réacteur de la centrale de Fessenheim dans la nuit de ce lundi
29 au mardi 30 juin. Le premier l’avait été le 22 février. Entre-temps, la France a traversé la crise du coronavirus sans une panne d’électricité. Mais on n’a rien voulu changer.
« On a sacrifié cette centrale sur un autel politique », a dit Gérard Hug, président de la communauté de communes du Pays Rhin-Brisach. Le maire du lieu, Claude Brender, a été réélu au premier tour des municipales avec 100 % des voix. Jeune député LR de la circonscription depuis 2017, Raphaël Schellenberger a formé une commission d’enquête parlementaire pour comprendre comment Fessenheim était devenue un sujet si politique. Peutêtre même une préfiguration de la vague verte du 28 juin ! Sa fermeture a été décrétée le 19 février 2019 par le premier ministre ; un décret dont Emmanuel Macron avait pris l’engagement durant sa campagne présidentielle. Et s’il l’avait fait, c’était pour pouvoir recruter Nicolas Hulot qui allait être son ministre, après avoir milité pour cette fermeture durant des années.
L’affaire remontait à l’élection présidentielle de 2012. Côté socialiste, une primaire avait opposé Martine Aubry (alors premier secrétaire du PS) à François Hollande. Et le nucléaire en avait été un thème majeur après la catastrophe de Fukushima en 2011. En Allemagne, la chancelière Angela Merkel avait alors décidé de fermer ses réacteurs (et de relancer ses chaudières à charbon) ; en France, les Verts s’étaient également emparés du sujet. Pour les séduire et l’emporter sur Martine Aubry, Hollande avait dû s’engager à fermer 24 réacteurs (sur 58) à l’horizon 2025…
La centrale de Fessenheim a fait les frais de cet engagement électoral. Parce qu’elle était la plus ancienne – mise en chantier en 1971, elle était entrée en service en 1977. Mais les autres ? On a dû convaincre EDF d’avoir à démanteler neuf réacteurs et six sites. Sur quel calendrier ? Une fois Fessenheim liquidée, on a annoncé les fermetures suivantes à partir de 2027. Sous réserve de bilan et d’inventaire ?
Cent cinquante familles vont quitter Fessenheim cet été, et ainsi de suite. Du millier de salariés directs actuels (EDF et sous-traitants), il en restera moins de 200 dans quatre ans quand le combustible aura disparu. Mais quoi d’autre ?
« Nous serons le pays le plus pauvre d’Alsace », disent les locaux. Un grand vide s’est ouvert. La nature politique a horreur du vide.