UN PATRONAT TRÈS INFLUENT
Les couturières de l’entreprise quimpéroise Armor-Lux n’ont pas chômé durant le confinement. Dès la fin mars, 30 d’entre elles se sont portées volontaires pour reprendre leur poste et produire des milliers de surblouses et jusqu’à 2 000 masques en tissu par jour, à la demande de leur PDG, Jean-Guy Le Floc’h, figure emblématique du patronat breton. Pour les entreprises bretonnes, la solidarité n’est pas un vain mot, surtout lorsqu’il s’agit de naviguer dans la tempête. Maître mot : s’adapter, faire preuve de toujours plus de réactivité, à l’instar de l’entreprise agroalimentaire Hénaff qui a dû pour sa part faire face à l’envolée de la demande pour ses produits secs et conserves lors du confinement. Les Français faisaient des réserves. Malgré l’absence de 16 % de ses 230 salariés, Hénaff est parvenu à accroître la production de son pâté historique (la boîte bleue au goût inimitable) de 20 % : tout le monde s’est retroussé les manches ! Une belle victoire pour Loïc Hénaff, le PDG de la société, descendant direct de son fondateur, Jean Hénaff.
La Bretagne est une terre d’entrepreneurs à l’âme solidement trempée. « À genoux devant Dieu, debout devant les hommes », telle est la flamboyante devise d’un Vincent Bolloré, plus fidèle que jamais, malgré sa réussite exceptionnelle, au pays de ses ancêtres et aux embruns de l’archipel des Glénan, où il aime se réfugier en famille, sur l’île du Loc’h. Il en va de même pour François Pinault, comme en témoigne son attachement au Stade Rennais, dont sa holding, Artémis, est propriétaire. Jean Bothorel (un autre Breton) a fort bien décrit, dans la biographie qu’il lui a consacrée, les ressorts de l’ascension fulgurante du créateur du groupe PPR (rebaptisé aujourd’hui Kering), sa jeunesse à Trévérien, au coeur du pays de Combourg. Michel-Édouard Leclerc, de son côté, ne rate pas une occasion de rappeler ce jour de 1949 où son père, Édouard Leclerc, a ouvert sa première « épicerie » à Landerneau (Finistère). Dès qu’il le peut, il s’échappe en Bretagne, entre Pont-Aven et Concarneau, histoire de se ressourcer au grand air. L’amour pour la Bretagne de ces capitaines d’industrie animés par l’esprit de conquête explique sans doute la puissance du lobby breton. Journaliste au Télégramme, Philippe Créhange a enquêté sur l’une de ses plus mystérieuses émanations : le Club des Trente *, un cercle très fermé né dans les années 1970 à l’occasion d’une première réunion à La Gacilly (Morbihan), dans la propriété d’Yves Rocher. Il regroupe désormais une soixantaine de patrons bretons incarnant le Breizh Power. On y retrouve François Pinault, Vincent Bolloré, Louis Le Duff (Brioche Dorée, Del Arte, Bridor, Le Fournil de Pierre…), Émile Bridel (Bridel, racheté en 1990 par Lactalis), Jean-Pierre Le Roch (fondateur d’Intermarché), Daniel Roullier (Groupe Roullier), Claude Guillemot (cofondateur d’Ubisoft)... Parmi leurs combats : la simplification administrative, l’encouragement de l’entrepreneuriat breton, la LGV entre Le Mans et Rennes, le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (aujourd’hui abandonné)… Objectifs : favoriser l’attractivité de la Bretagne et porter toujours plus haut ses couleurs sur l’échiquier économique européen, voire mondial.