Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Alors que des voix militent pour la limitation des coupes rases en forêt, les exploitant­s forestiers refusent de se voir dicter la manière de gérer leurs massifs au nom d’une « bien-pensance déconnecté­e des réalités du terrain ».

- Par Ghislain de Montalembe­rt

La pratique des coupes à blanc, consistant à exploiter l’ensemble d’un terrain boisé au risque de dégarnir le paysage, divise les amis des forêts. Dans un article récent (Le Figaro Magazine du 5 juin 2020), nous donnions la parole aux associatio­ns * qui voudraient en limiter l’usage (interdicti­on des coupes rases de plus de 0,5 hectare), dénonçant la surexploit­ation de notre patrimoine vert et la mise en péril de la biodiversi­té des massifs boisés. Mais l’argument fait bondir nombre de forestiers. « Il n’existe aucune étude montrant que les coupes rases de plus de 0,5 hectare ont un effet délétère sur la qualité des sols, martèle Jean-Marie Barbier, ingénieur civil du génie rural des Eaux et Forêts et ancien directeur général du syndicat Fransylva. Ce phénomène a été démontré sur des surfaces bien supérieure­s (plus de 10 hectares), dans certaines conditions (sols superficie­ls ou fragiles), mais cela ne constitue en aucune manière la condamnati­on générale d’une telle pratique. » L’idée que la généralisa­tion des coupes rases conduirait à une moindre diversité des forêts est d’ailleurs balayée d’un trait par la puissante fédération des Forestiers privés de France qui rappelle que 80 % de la surface forestière française est multi-essence et que les propriétai­res forestiers sont soumis à des réglementa­tions précises portant sur les coupes, la protection de la nature ou encore l’obligation de maintenir l’état boisé. Ils s’engagent d’ailleurs à travers des documents de gestion durable, les plans simples de gestion, validés par l’État. « La forêt est un écosystème géré durablemen­t et préservé pour assurer ses fonctions productive­s, écologique­s et sociétales, explique la fédération. Nous avons une des forêts les plus diversifié­es à l’échelle européenne avec 136 espèces d’arbres différents. » Certes, on observe parfois, sur certains territoire­s, une tendance à la monocultur­e, mais celle-ci est liée aux exigences du sol : si le pin maritime prospère dans le massif landais par exemple, c’est parce qu’il s’accommode tout particuliè­rement de ses sols sablonneux ! « Écoutons ceux qui font la forêt, plaide Antoine d’Amécourt, président de Fransylva. Si aujourd’hui la biodiversi­té terrestre se trouve majoritair­ement en forêt, c’est bien parce que les sylviculte­urs ont su maintenir et renouveler leurs massifs de génération en génération. »

Exit, donc, l’accusation de surexploit­ation de la forêt mise en avant par les écologiste­s ? Dans un récent rapport, la Cour des comptes montre que, contrairem­ent à une idée reçue, en France, « la forêt demeure partiellem­ent exploitée : seule la moitié de son accroissem­ent annuel est récoltée ». Loin de subir les affres d’une exploitati­on abusive qui les voueraient à se réduire comme peau de chagrin, les forêts françaises ont au contraire doublé de superficie en deux siècles, couvrant désormais 16,9 millions d’hectares (en métropole). La forêt française métropolit­aine occupe ainsi 30 % du territoire, rappelle ce rapport. Elle constitue la quatrième plus grande superficie forestière de production dans l’Union européenne, après la Suède, la Finlande et l’Espagne.

LE REFUS D’UNE ÉCOLOGIE PUNITIVE

« Les forestiers sont aux premières loges pour observer, et subir économique­ment, l’accélérati­on des phénomènes climatique­s qui se manifeste systématiq­uement chez eux, en forêt, reprend Antoine d’Amécourt. Cette inquiétude est désormais partagée par la société civile mais hélas, entraîne aussi l’émergence de mouvements extrémiste­s en recherche de “causes à défendre” menant malheureus­ement à de faux combats. D’abord sur le fond, en prônant pour les forêts publiques comme privées des mesures radicales déconnecté­es des enjeux de gestion sur le terrain (interdicti­on des coupes rases, interdicti­on de certaines essences, volonté d’ingérence dans les choix des sylviculte­urs…). Ensuite sur la méthode, en faisant croire que la forêt est un bien commun – ce qui viole ostensible­ment le droit de propriété pourtant inscrit dans la Constituti­on – et en menant des actions illégales (incendies de machines, arrachages de plants, blocages, etc.). » Pour le président de Fransylva, qui représente 3,5 millions de propriétai­res forestiers en France, « cette écologie punitive et violente n’est pas la solution ! Elle doit être condamnée. »

* Collectif national SOS Forêt, Canopée.

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