LES RENDEZ-VOUS
Après nous avoir entretenus les années passées de Montaigne et Baudelaire, le professeur au Collège de France nous gratifie d’un été en compagnie de Pascal.
Pouvoir parler chaque jour de Montaigne ou de Pascal un été durant n’est pas donné à tout le monde. Retenir sur de tels sujets l’attention des auditeurs de France Inter, souvent plus préoccupés de théories indigénistes, racialistes ou antispécistes que de culture générale, de pensée d’Ancien Régime ou de controverses sur Port-Royal, l’est encore moins. Il fallait de la trempe pour s’aventurer sur un terrain rendu glissant par une époque qui aime se prendre des savons sous la douche froide. Antoine Compagnon n’a pas hésité.
Il faut dire que ce polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, a de qui tenir. De son père, le général Jean Compagnon, ancien de la 2e DB et biographe du général Leclerc, il a hérité le courage de savoir dire non et de se tenir à sa résolution. Ce qu’il fit à l’issue de ses études scientifiques, choisissant de renoncer aux chiffres, s’étant aperçu que bâtir des ponts n’était pas sa vocation. Bien lui en
UN ÉTÉ AVEC PASCAL,
d’Antoine Compagnon, Les Équateurs, 235 p., 14 €.
“Le monde n’est pas si fou
que ça. Il en a l’air, mais Pascal lui découvre
un ordre caché”
prit. Docteur d’État ès lettres, spécialiste de Marcel Proust, Antoine Compagnon est aujourd’hui professeur au Collège de France, où il occupe la chaire de littérature française moderne.
Son Été avec Pascal s’inscrit dans la lignée de son grand livre, intitulé Les Antimodernes. En 40 chapitres, il présente, avec autant d’esprit de finesse que de géométrie, la pensée du grand Blaise, appliquée à presque tous les domaines de l’existence (les raisons du coeur, la recherche de la vérité, la lutte contre la tyrannie, la quête de la foi). Et il déchiffre ses nombreux aphorismes, paradoxes ou ellipses entrés dans la mémoire collective. « L’excès d’intelligence paralyse la création, dit-il. L’inachèvement de l’oeuvre de Pascal apporte la preuve de son intelligence. » Alors qu’il se dit sceptique, l’auteur décrit avec sagacité le mystère de la foi. Mais on sait, depuis les Frères Karamazov, qu’il est possible de douter de l’existence de Dieu et d’écrire le cinquième Évangile...
La phrase du livre à retenir (p. 81)