Le Figaro Magazine

LA PAGE HISTOIRE

Jean-Paul Desprat ressuscite la figure d’Eugène de Savoie qui, injustemen­t écarté par Louis XIV, mit son épée au service des Habsbourg.

- de Jean Sévillia

Historien et romancier, romancier et historien, Jean-Paul Desprat, parfaiteme­nt à l’aise avec le Grand Siècle qu’il connaît à fond, publie un roman qui porte pour soustitre « Mémoires apocryphes du prince Eugène de Savoie ». Le livre est dédié à la mémoire de Victor-Lucien Tapié (1900-1974), qui fut en son temps, alors qu’il professait à la Sorbonne, un des meilleurs spécialist­es français de l’histoire de l’Europe centrale. C’est dire si ce roman, se réclamant d’un tel patronage, ne prend aucune liberté avec l’histoire, ou si peu : on peut le lire, bien qu’il soit écrit à la première personne, comme l’authentiqu­e biographie de la figure fastueuse que fut François Eugène de Savoie-Carignan.

Né à Paris, fils du duc de Savoie-Carignan et d’Olympe Mancini, nièce de Mazarin et brièvement favorite de Louis XIV, le prince Eugène, élevé à la cour de France, aurait pu attacher son nom au service des Bourbons. Par la faute du Roi-Soleil, qui le méjugea et le tint à l’écart, c’est aux Habsbourg qu’il offrit son épée, devenant un des plus brillants chefs de guerre européens à la charnière des XVIIe et XVIIIe siècles. Nommé feldmaréch­al en 1687, il est vainqueur des Turcs à Mohács et à Zenta, succès qui libèrent la Hongrie de l’occupation ottomane. Au cours de la guerre de Succession d’Espagne, il bat les Français en Italie du Nord, repousse les Franco-Bavarois en Allemagne puis, repassant les Alpes, écrase de nouveau les Français à Turin, faisant rentrer la Lombardie et le Milanais sous la souveraine­té de la maison d’Autriche, et finit par être encore victorieux en Flandre, infligeant une sévère déroute aux armées du roi de France à Malplaquet. En 1716-1718, il gagne une nouvelle fois la guerre contre les Turcs, s’avérant non seulement génial stratège, mais excellent administra­teur quand il s’agira d’organiser la vie des territoire­s repris aux Ottomans.

Ce sont ces épisodes que Jean-Paul Desprat met en scène, en même temps qu’il fait revivre le prince en tant que philosophe et théologien, bâtisseur de palais baroques (notamment le Belvédère, à Vienne, et le Schloss Hof, à la frontière de la Hongrie) et généreux mécène. « Eugène de Savoie me fascine depuis toujours », écrit l’auteur. À le lire, on comprend pourquoi. Le Guerrier philosophe. Mémoires apocryphes du prince Eugène de Savoie, de Jean-Paul Desprat, Seuil, 554 p., 21 €.

 ??  ??
 ??  ?? LA PAGE D’HISTOIRE
DE JEAN SÉVILLIA
LA PAGE D’HISTOIRE DE JEAN SÉVILLIA

Newspapers in French

Newspapers from France