ON THE ROAD AGAIN
★★★ À CONTRE-COURANT RÊVENT LES NOYÉS, de Carl Watson, Vagabonde, 338 p., 19,90 €. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Thierry Marignac.
Les enfants de la Beat Generation et de Kerouac ont mal vieilli. Prenez Frank et Tanya, condamnés à singer les errances de leurs aînés sur les routes américaines à travers un théâtre de simulacres et de représentations falsifiées. Nous sommes en 1974 : « Une époque de profonde dislocation spirituelle et d’effondrement émotionnel. Seuls les savants possédaient alors des ordinateurs. La télévision n’avait pas encore commencé à dicter le comportement des gens. Certains d’entre eux n’avaient pas le téléphone. » On aura compris que le nouveau roman de Carl Watson n’est pas dénué d’une certaine dimension sociologique, voire anthropologique. En suivant la dérive d’un jeune couple d’un bout à l’autre des États-Unis, le romancier décrit « un monde aux formes dégradées », une société infantile où le narcissisme va devenir une religion. Avec autant de finesse que de force, il saisit les prémices d’un nouveau temps. Bientôt, l’ère de la communication allait marquer la fin de la communication concrète entre les êtres. En attendant, la contre-culture s’est figée dans la parodie et le divertissement tandis que « sans l’aide de Dieu, les beatniks sont devenus des hippies, et les hippies des dirigeants d’entreprise ». Le mythe de la route survit « sauf qu’il n’y a plus nulle part où aller ». L’uniformisation gagne du terrain. La liberté n’est qu’une illusion. Tout est permis, mais rien n’est possible.