DE FORT BOYARD AU CHÂTEAU MARMONT
Dans la France actuelle, nos repères se perdent : l’animateur de « Fort Boyard » a réussi un premier roman sur l’hôtel le plus mythique de Los Angeles.
Olivier Minne est un type souriant avec de gros biceps. D’habitude, on le voit sur France 2 dans un fort charentais, poursuivi par des nains, des araignées et le père Fouras. Il est difficile d’admettre que cet animateur en short moulant est aussi un écrivain solide, biographe de Louis Jourdan et auteur d’un premier roman idéalement ajusté pour traverser l’été.
Dans Un château pour Hollywood, il se met dans la peau d’une vieille actrice californienne sur le retour. Recyclant la structure en flash-back de Sunset Boulevard, il imagine une star de la Paramount devenue directrice du Château Marmont, Abigail Fairchild, qui égrène en 1958 ses souvenirs après une rencontre avec un vagabond arriviste. La lecture est rapide, les chapitres courts et les anecdotes croustillent. On s’attend à un ouvrage de vulgarisation novélisé, on tombe sur la bonne surprise du moment. Nettement plus digeste et tout aussi langue de pute que les deux volumes de Hollywood Babylone, de Kenneth Anger, M. Minne part des années 1910 et couvre toutes les tragédies hollywoodiennes, meurtre de Sharon Tate inclus. Abigail Fairchild boit des margaritas, mange des oeufs sur le plat et se parle à elle-même comme Gloria Swanson chez Billy Wilder. Il y a tout le monde au Château, même Jim
Morrison qui danse sur le toit, Warren Beatty et ses 12 275 conquêtes et l’agonie de John Belushi dans le bungalow numéro 3 après la visite de Robert De Niro. La légende du Château Marmont est disproportionnée par rapport à l’édifice, une réplique d’Amboise en cartonpâte. Votre serviteur, qui y a rédigé le scénario de L’amour dure trois ans (le film) vers la fin des années 2000, peut en témoigner : c’était sinistre, sauf quand le nouveau propriétaire, André Balazs, recevait autour de la piscine en forme de suppositoire.
Le roman aurait pu être lugubre sans une plume constamment fielleuse : Olivier Minne bitche comme un mélange d’Edgar Schneider et Agathe Godard. Un aperçu : « Rudolph Valentino, un idéal érotique monté comme un âne des Pouilles et surnommé « Vaselino » en référence à ses plus sûres inclinations. » Pas tout à fait le même ton qu’en prime time sur le service public (ici, imaginez un smiley qui pleure de joie). Comment un hôtel aussi moche a-t-il pu devenir le centre du monde ? C’est dû aux frasques de certaines actrices dans les jardins, aux ragots du barman, aux touristes ivres dans les couloirs, à la mort de Helmut Newton au volant de sa Rolls et à l’ascenseur toujours bondé de femmes impatientes de croiser Harvey Weinstein… Le XXIe siècle, quoi.
Un château pour Hollywood, d’Olivier Minne, Séguier, 332 p., 21 €.