Le Figaro Magazine

LE MISANTHROP­E AUX COULEURS FAUVES

★★ TROIS JOURS DANS LA VIE DE PAUL CÉZANNE, de Mika Biermann, Anacharsis, 93 p., 12 €.

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C’est un vieil homme à la moustache épaissie par la morve, à la barbe raide de graisse de mouton, à la corolle de cheveux blancs s’écartant des oreilles autour du chou-fleur, aux dents gâtées par l’insoucianc­e du fumeur, aux yeux chassieux où les images du monde ne rentrent qu’à reculons. » Certains déboulonne­nt des statues, l’excellent Mika Biermann se fait un peintre le temps d’un tableau haut en couleur. Son Cézanne est atrabilair­e, misanthrop­e, râleur, ronchon, passe son temps à maugréer. Il envoie paître son jardinier et sa cuisinière, et lorsque son ami Renoir, dont

il méprise la peinture, passe le voir dans le Sud, c’est tout juste s’il ne l’insulte pas. Il déteste la Hollande et les Hollandais, Van Gogh et Rembrandt en particulie­r. Il a eu il y a longtemps un fils avec une femme qu’il surnommait

« Le Boulet ». Les deux sont partis à Paris, ce qui l’arrange bien. La journée, il vagabonde dans la campagne aixoise avec son chevalet et ses tubes de peinture. « Stoïque, comme Hannibal traversant les Alpes ou Burton à la recherche des sources du Nil […], il sort son pénis pour arroser

un roc d’urine. » Son chien pète, Cézanne rote parle à des

sphinges, des faunes et des minotaures. De retour dans son atelier, il peut passer des heures à peindre une pomme. Il rencontre une pauvre fille vivant chez un « Prussien » dégénéré. Le lendemain, il la retrouve morte et voit l’homme s’éloigner. Il le dénonce à la police, est menacé par le sauvage glabre, n’en a cure. Cela ne développe pas son amour pour le genre humain. Heureuseme­nt pour lui, il n’a jamais entendu la chanson que France Gall lui a consacrée.

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