LES SOUVENIRS DE FRÉDÉRIC MAZZELLA
Ces vacances qui ont changé ma vie
Frédéric Mazzella, 44 ans, se souvient de ses vacances de 2003 comme si c’était hier. Impossible de trouver un train depuis Paris pour rejoindre la Vendée, ce département qui lui est si cher et où il a coutume de passer régulièrement ses vacances, retrouvant avec bonheur ses souvenirs d’enfance, les longues escapades à cheval à travers champs et l’hiver, quand le froid fige la nature, les parties de hockey sur la glace de la mare, à proximité de la maison familiale. Mais cette année-là, Frédéric Mazzella, à peine rentré des États-Unis où il travaillait pour la Nasa, s’y était pris un peu tard pour réserver ses billets de train : tous les TGV étaient complets ! « En désespoir de cause, j’ai appelé ma petite soeur qui vivait à Rouen pour lui demander de faire un crochet par Paris et de me prendre au passage, racontet-il. Elle a accepté et nous sommes partis tous les deux pour Fontenay-leComte. » Et c’est là, durant le trajet, qu’une idée a germé dans son esprit : « Je voyais les lumières des TGV bondés qui filaient dans la nuit, le long de l’autoroute A10 ; mais aussi tous ces véhicules qui roulaient autour de nous, à moitié vides. Des places pour aller en Vendée, il y en avait plein, mais elles étaient dans les voitures, pas dans les trains ! Il ne manquait qu’une grosse base de données qui indexe les disponibilités des conducteurs et les mette en relation, en temps réel, avec les demandes des voyageurs. J’y ai pensé pendant tout le voyage ; mes idées se précisaient au fur et à mesure que défilaient les kilomètres ! Plus nous roulions, plus je me disais que c’était un truc immense à inventer, en exploitant les possibilités offertes par les nouvelles technologies », explique l’ancien étudiant de Normale sup (Ulm), virtuose des maths, de la physique et du piano (il a été reçu au Conservatoire de Paris), reconverti dans l’entrepreneuriat après
“BLABLACAR, UN TRUC IMMENSE À INVENTER”
un passage à l’université Stanford où il a décroché un master de computer science et baigné dans le biotope de la Silicon Valley. « Une fois arrivé en Vendée, reprend Frédéric Mazzella, je n’ai pas tout de suite parlé de mon projet à mon entourage, mais j’ai imaginé comment un tel service pourrait être utile pour tous, conducteurs comme passagers. J’ai tenté de comprendre pourquoi le concept n’avait pas encore été développé, du moins pas à grande échelle. J’étais tellement emballé par l’idée, tellement persuadé de l’utilité du service à offrir, que je n’ai fait que bosser. Je n’ai pas dormi pendant soixante-douze heures et au final, j’ai décidé que puisque ce service n’existait pas, je serais celui qui allait le créer ! » On connaît la suite : les premières lignes de code dès 2004, le déploiement de Covoiturage.fr en 2006, rebaptisé BlaBlaCar six ans plus tard, le succès phénoménal de la formule et son internationalisation rapide : la plate-forme compte aujourd’hui 18 millions d’utilisateurs en France et 100 millions dans le monde, de la Russie au Brésil en passant par le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Inde, le Mexique… Et l‘aventure est loin d’être terminée pour BlaBlaCar (700 collaborateurs) qui se décline désormais en BlaBlaBus, BlaBlaLines (covoiturage domicile-travail), BlaBlaSure (assurance auto), BlaBlaHelp (réseau d’entraide entre voisins, lancé durant le confinement), BlaBla Ride (trottinettes électriques)… Plus rien n’arrête BlaBlaCar, pas même le coronavirus. Le Covid-19 a bien entendu sérieusement ralenti l’activité durant le confinement. Mais les Français, qui vont passer leurs vacances en France cet été, n’ont maintenant qu’une envie : bouger, et retrouver la joie des relations sociales, la grande force de BlaBlaCar. « Statistiquement, on a beaucoup moins de chances de croiser le virus avec BlaBlaCar qu’en prenant le train », juge Frédéric Mazzella qui passera ses vacances en Bretagne et… en Vendée. Une nouvelle idée germera-t-elle dans sa tête en chemin ?