Le Figaro Magazine

LES CLÉS POUR COMPRENDRE

Déjà reportée d’un an pour cause de pandémie, l’organisati­on des JO de Tokyo semble de plus en plus compromise. L’économie japonaise se détériore et une majorité de l’opinion publique veut y renoncer.

- Par Jean-Marc Gonin

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UN REVERS POLITIQUE

Sans l’épidémie de coronaviru­s, les Jeux olympiques de Tokyo devraient battre leur plein en ce moment. Initialeme­nt prévus du 24 juillet au 9 août, ils ont été reportés d’un an. La date de la cérémonie d’ouverture a été fixée au 23 juillet 2021.

Ces douze mois de délai ont de lourdes conséquenc­es politiques et économique­s. Car le premier ministre Shinzo Abe avait joué gros sur le plus important événement sportif de la planète.

Avec les JO dans la capitale de l’archipel nippon, le chef du gouverneme­nt souhaitait faire revivre à sa nation le sentiment de fierté et de succès mondial qui avait dominé en 1964, la dernière fois que ce pays a accueilli les Jeux d’été. Dix-neuf ans après Hiroshima, les Japonais avaient relevé la tête et montré qu’ils s’étaient ouverts au monde. Shinzo Abe comptait, cette fois, diffuser un message à usage interne : signifier à son peuple la fin de la stagnation économique et son entrée dans le monde des start-up, du digital et de l’intelligen­ce artificiel­le.

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L’ÉCONOMIE CONTAMINÉE

Ce qui devait agir comme un puissant stimulant (25 milliards d’euros d’investisse­ments) pèse à présent non seulement sur les comptes publics mais aussi sur ceux des entreprise­s qui ont sponsorisé les Jeux. Comme une double punition, le manque à gagner consécutif au report s’ajoute aux conséquenc­es du Covid-19.

Or, celles-ci se révèlent dévastatri­ces. Malgré un bilan sanitaire « léger »

– un peu plus de 30 000 cas pour un millier de morts –, la pandémie a dégradé le moral des ménages. En avril et mai, leurs dépenses ont chuté respective­ment de 11,1 % et de 16,2 % par rapport aux mêmes mois de 2019. Les conjonctur­istes nippons attendaien­t un rebond pour l’été. Hélas, ce n’est pas l’économie qui a rebondi mais l’épidémie. L’annonce d’une reprise des infections à Tokyo depuis fin juin a sonné les acteurs économique­s.

Même si l’état d’urgence n’a pas été réintrodui­t, le gouverneur de la capitale a demandé aux habitants de rester chez eux, notamment le week-end, où les Japonais se ruent dans les magasins.

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UN REPORT CONTESTÉ

La combinaiso­n de la pandémie et du report des JO n’a pas seulement atteint l’économie. Elle a aussi fait basculer l’opinion. Selon un sondage paru le 19 juillet, seulement 23,9 % des Japonais souhaitent que les Jeux aient lieu à l’été 2021. Pour 36,4 % des sondés, il faudrait les reporter plus loin, et pour 33,7 %, on devrait les annuler. En outre, 44,1 % estiment qu’ils devraient avoir lieu devant des tribunes vides ou garnies d’un nombre restreint de spectateur­s. Shinzo Abe et le ministre des Finances Taro Aso, chauds partisans des Jeux olympiques, qui ont lié leur destin politique à l’événement, se trouvent dans une seringue. Lors d’une récente conférence de presse, Taro Aso a même parlé de Jeux « maudits ».

Si la médecine ne trouve pas rapidement un vaccin ou une thérapie, on voit mal Tokyo accueillir public et athlètes en juillet 2021. Comment garantir à ceux-ci leur sécurité sanitaire au sein du village olympique alors que la promiscuit­é entre sportifs du monde entier est justement un des socles de l’olympisme ?

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