Le Figaro Magazine

BOURGOGNE, EN VERT ET POUR TOUS

Carnet de route / Un été en France (3/7)

- Par Laurence Haloche (textes), Olivier Reneau (interview) et Stephan Gladieu pour Le Figaro Magazine (photos)

Claude Lévêque

FIGURE MAJEURE DE LA SCÈNE ARTISTIQUE FRANÇAISE, LE PLASTICIEN PARTAGE SON TEMPS ENTRE LA RÉGION PARISIENNE, LES SITES D’EXPOSITION – ACTUELLEME­NT, UN ÉTÉ AU HAVRE JUSQU’AU 4 OCTOBRE –

ET LA NIÈVRE, DONT IL EST ORIGINAIRE. PÉRIODE OBLIGE,

IL A PASSÉ ENCORE PLUS DE TEMPS DANS SA MAISON DE LA CHARITÉ-SUR-LOIRE À DESSINER MAIS SURTOUT À JARDINER.

Quel est votre lien particulie­r avec cette région ?

Je suis né à Nevers où j’ai habité toute mon enfance avant de partir aux beaux-arts de Bourges. Puis je suis revenu un temps travailler à la maison de la culture pour mettre en place un programme d’arts visuels, avant de m’installer à Paris. Puis, il y a 7 ans, j’ai acheté une maison plus au nord sur la Loire, à La Charitésur-Loire. Je suis fidèle à ces endroits esseulés, hors formats touristiqu­es, aux charmes indéfinis. J’aime ce que j’appelle les trous d’eau diamantés entre les feuillages, les murailles délaissées envahies de ronces, les bords de Loire…

Vous inspire-t-elle dans votre travail ?

Même si je vois sans doute un peu trop les défauts de ce territoire, j’ai le besoin de m’y plonger sans cesse, en écartant dans la mesure du possible le trop-plein de nostalgie envahissan­te pour rester en prise avec le réel. Il y a ici des trésors patrimonia­ux méconnus qui nécessiter­aient vraiment d’être mis en valeur et qui, en tout cas, me nourrissen­t énormément.

Un lieu à découvrir ?

À Tannay, je conseille d’aller chercher du regard cette sculpture en pierre d’une minuscule chouette, presque invisible, comme nichée sous la toiture de l’ancienne collégiale Saint-Léger. C’est une vision très inattendue.

Une balade qui vous transporte ?

Je suis totalement sous le charme de la Loire sauvage, qui évolue au rythme des saisons, entre Marseilles-lès-Aubigny et La Charitésur-Loire, avec le pont du canal latéral suspendu au-dessus du fleuve. C’est vraiment un site de toute beauté.

Un panorama époustoufl­ant ?

Mon père était originaire de Clamecy. On avait l’habitude d’aller se promener dans cette campagne très vallonnée qui préfigure le Morvan. J’ai un vrai faible pour cette région des Vaux d’Yonne, entre Grenois et le Mont Sabot, ces paysages aux lointains qui ouvrent sur un panoramiqu­e de ciel digne de westerns américains.

Une oeuvre, un édifice à ne pas manquer ?

À Nevers, les voûtes de l’église SaintPierr­e, en plein centre-ville, mais dans un état de décrépitud­e incompréhe­nsible, sont totalement méconnues. Le baptistère avec les statues du Christ et de saint Jean-Baptiste a un charme fou. Et puis, il y a un magnifique tableau des frères Le Nain,

Saint Michel dédiant ses armes à la Vierge (photo ci-dessus). Mais je

conseille de se munir d’une lampe électrique car l’église n’est absolument pas éclairée. La visite de la sépulture sainte Bernadette ne mérite, selon moi, pas le détour. Cela n’a que peu d’intérêt, sauf pour quelquesun­s de ses écrits reproduits dans le musée. En revanche, l’église SainteBern­adette de Claude Parent et Paul Virilio, dans le quartier du Banlay de mon adolescenc­e, mérite une visite. J’ai toujours été surpris de l’acceptatio­n de la population locale pour cet édifice en béton aux formes très radicales.

Une rencontre inoubliabl­e ?

Près de Tannay, j’ai été totalement stupéfait par la découverte du château de Pignol, qui a la particular­ité d’être inachevé, et donc de n’être construit qu’à moitié. On a l’impression d’un décor tronqué à la façon de l’artiste américain Gordon Matta-Clark.

Une tradition à préserver ?

Le potager familial et la conviviali­té qui va de pair. Je me souviens, enfant, les gens venaient y converser, prendre l’apéritif et faire des échanges de légumes. Il s’agit vraiment d’un à côté de l’habitat, un peu comme une datcha, avec son bout de terrain, la cabane, le coin pour manger. D’ailleurs, on voit bien, un peu partout, que le phénomène du jardinage est en train de repartir.

Un goût à partager ?

Le fromage blanc à la faisselle. Je ne mange jamais de fromage blanc industriel et continue d’aller en chercher directemen­t à la ferme, car il a évidemment un goût incomparab­le.

Un bonheur simple ?

Le maraudage pour chiper les fruits chez les voisins. Depuis tout gamin, j’ai adoré ça, évidemment sans rentrer dans les propriétés mais en usant de stratagème­s pour ramener les branches à moi. Mes voisins le savent bien désormais.

Une heure exquise ?

Le crépuscule après l’orage et ses clairs-obscurs acérés. C’est tout une ambiance qui renvoie à l’enfance.

Une odeur à l’effet madeleine ?

Les jours qui s’étendent sans limite fin juin, avec ces parfums d’herbes coupées. Me revient aussi l’odeur de poudre des feux d’artifice qui évoquent la fantaisie et l’insoucianc­e.

Une chose à rapporter ?

Lorsque je me promène le long de la Loire, j’adore ramasser des matériaux charriés et sculptés par le fleuve. Une vieille brique peut devenir un vrai bijou. J’en ai des collection­s entières dont j’imagine peutêtre un jour faire quelque chose dans mon travail. ■

Je suis fidèle à ces endroits esseulés aux charmes indéfinis. J’aime ce que j’appelle les trous d’eau diamantés entre les feuillages, les murailles délaissées envahies de ronces, les bords de Loire…

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terroir de savoureux produits qui se dégustent notamment dans le tout nouveau restaurant d’Angelo
Ferrigno (ci-contre), Cibo, à Dijon.
Une terre bénie des dieux : la vigne donne des vins d’exception et le terroir de savoureux produits qui se dégustent notamment dans le tout nouveau restaurant d’Angelo Ferrigno (ci-contre), Cibo, à Dijon.
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