Le Figaro Magazine

LES SOUVENIRS DE GUY MARTIN

Ces vacances qui ont changé ma vie

- Laurence Haloche

Prendre en compte le hasard et intégrer l’imprévu… Guy Martin en a fait l’expérience heureuse pendant l’été 2015. Cette année-là, le chef du Grand Véfour est à peine revenu d’une mission en Polynésie, sur l’île de Marlon Brando, qu’il lui faut urgemment penser aux vacances en famille. Rien n’est organisé.

À sa compagne Katherina et à leurs enfants respectifs, il promet une surprise… Histoire de gagner du temps. Où aller quand on revient de loin ? Un ailleurs de proximité est privilégié. Une amie lui parle alors de Nardò. Une recherche sur Google s’impose pour localiser ce village des Pouilles, situé près de Lecce, dans le sud de l’Italie. La carte postale est belle, mais aucune maison n’est disponible. C’est au dernier moment qu’un médecin accepte de leur louer, exceptionn­ellement, son palais. « Palazzo » et « Salento », il ne le sait pas encore, mais ces deux mots vont changer la vie du Savoyard. Fin des vacances, après trois semaines de dolce vita, Guy Martin s’apprête à boucler ses valises quand, au hasard d’un pot de départ, on le pousse à visiter une bâtisse du XVIIe siècle qui est à vendre. « C’était totalement en ruine, mais il y avait une énergie, une lumière blanche sublime, se souvient-il. J’ai demandé si les artisans du coin travaillai­ent bien et, pour m’en apporter la preuve, on nous a invités à voir le palais d’un Milanais qui non seulement m’a vanté leurs qualités profession­nelles mais qui m’a aussi parlé d’un autre palais, à 5 minutes à pied. » Deuxième visite de la journée et deuxième coup de coeur malgré l’état de la demeure, plus délabrée encore. Un premier compromis de vente est signé en août, le deuxième va suivre dans la foulée. Un coup de folie ? « Il peut m’arriver de réfléchir après avoir pris une décision, avoue-t-il. Une nuit d’insomnie, j’ai appelé mon ami Didier Gandillet à la Banque populaire de Savoie, où j’ai ouvert mon compte à 18 ans. On a parlé crédit, il m’a demandé si j’étais sûr de mon coup, et m’a suivi… »

Le projet est de faire dans les palais Maritati et Muci huit chambres d’hôtes, que le couple va aménager avec des meubles et des objets personnels comme s’il s’agissait d’une résidence secondaire, à 1 900 kilomètres de Paris. L’inaugurati­on a lieu après trois ans de travaux. Le temps de réaliser, pour Guy Martin, que cette acquisitio­n a modifié beaucoup de choses dans sa vie. Même s’il refuse le titre pompeux d’hôtelier, cette nouvelle activité est devenue une source de satisfacti­ons aussi multiples qu’inattendue­s : « Au-delà du plaisir d’avoir 80 % des clients qui reviennent, on a fait des rencontres improbable­s comme avec le fils de Guerrino Tramonti, dont nous collection­nons les oeuvres. Et puis, on s’est créé un véritable groupe d’amis, les Amici Octo, que l’on voit très régulièrem­ent. À Nardò, les gens ont conservé une solidarité naturelle, une générosité, une certaine légèreté d’être qui est vraie… ça chante, ça danse ! »

Dès qu’il le peut, le couple prend l’avion pour Brindisi, comme on file dans une maison de famille, un gîte, un refuge, une planque… pour s’échapper de la folie du monde.

« J’ai voyagé dans le monde entier grâce à mon métier, mais je n’ai jamais trouvé ailleurs cette énergie positive,

assure-t-il. Même si je suis un étranger, je ne me sens pas comme une pièce rapportée ! » Là-bas, le patron parisien parfois stressé, toujours perfection­niste, devient un autre homme. « J’ai l’impression de changer de l’intérieur, de découvrir en moi un monde que je ne connais pas, d’autres portes s’ouvrent…, confie-t-il. Ce village me transforme, c’est un moi souriant, heureux, différent ! » La « Nardòmania » a également gagné Katherina, qui a ouvert au coeur du village une boutique de décoration.

« Lorsque vous vous trouvez bien dans une ville étrangère, c’est que vous commencez à vous y faire une patrie »,

affirmait Mme de Staël.

“CE VILLAGE ME TRANSFORME, C’EST UN MOI

HEUREUX, DIFFÉRENT ”

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