PILLARDS ET MARCHANDS
Les Vikings étaient-ils d’abord des pirates, conformément à l’idée qu’on s’en fait, ou plutôt des marchands que les circonstances auraient conduit à utiliser parfois des méthodes musclées, mais dont la préoccupation première aurait été le négoce ? Cette seconde hypothèse est souvent mise en exergue, aujourd’hui, par des travaux savants qui cherchent à laver les Vikings de l’accusation de barbarie qui s’attache traditionnellement à eux. Or, les chroniques de l’époque insistent toutes sur l’effroi suscité par l’irruption des hommes du Nord sur les côtes de la Grande-Bretagne ou du continent. Attaques d’églises, pillage des biens, saisie du bétail, enlèvements, viols, incendies : la liste est longue des calamités provoquées par les Vikings. Aux abords de la cathédrale de Rouen, les fouilles ont révélé les traces d’un brasier daté du milieu du XIe siècle, avec de la cendre et du bois carbonisé, des pierres rougies par le feu et des gouttes de plomb fondu de la toiture, spécialement dans ce qui était alors l’église collégiale Saint-Étienne, côté nord de la cathédrale. Ces indices correspondent exactement à l’incendie déclenché en 841 lors d’un raid viking décrit dans les annales du temps. Dans les nécropoles scandinaves, les archéologues ont mis au jour d’innombrables débris de vases sacrés, de reliquaires, de reliures ou d’autres objets liturgiques provenant du butin pillé par les guerriers du Nord. Il est néanmoins vrai que ceux-ci pouvaient, selon le lieu, le moment ou l’opportunité, se transformer en marchands, quand leur intérêt le leur commandait. « Ce sont
souvent les mêmes, écrit l’historien Jean Renaud, qui guerroient d’un côté et commercent de l’autre, et font parfois les deux au cours d’une même expédition. »