Le Figaro Magazine

EN VUE Noël

Le Graët

- Baptiste Desprez

Le patron du football hexagonal a géré la crise du Covid-19 avec tact et autorité, non sans susciter des polémiques. Mais il en sort renforcé, à l’heure où le championna­t de France reprend ses droits dans des conditions inédites.

La Ligue 1 de football est de retour le 21 août prochain, après cinq mois de sevrage. Une éternité. Un homme ne boude pas son plaisir : Noël Le Graët. Saluée par les uns, critiquée par les autres, son action durant la crise du Covid-19 n’aura laissé personne insensible dans le microcosme du ballon rond. Lui en sort renforcé, au point qu’il songe à un nouveau mandat à la tête de la Fédération française de football (FFF), dont les élections sont prévues en mars 2021. « Il y a peu, certains disaient qu’il était usé et devait partir. Aujourd’hui, les mêmes lui tressent des louanges », confie un président de club de Ligue 1. Cela témoigne du rôle occupé par le président de la FFF après une période où le petit monde du foot n’aura pas brillé par sa clarté et son unité. Le comble pour un sport collectif où l’individu n’est rien sans une équipe soudée et solide.

Durant la crise du Covid-19, le dirigeant breton de 78 ans aux multiples vies – patron d’agro-industrie, maire socialiste de Guingamp (1995-2008), président du club de foot qu’il fit passer du niveau régional à la Coupe d’Europe, président de la Ligue nationale de football – s’est glissé avec aisance dans le costume du grand sage autoritair­e. C’est lui qui a décidé rapidement – trop pour certains comme Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique lyonnais – de clôturer la saison 2019-2020 et en dictant la marche à suivre, au pas de charge, sans laisser de marge de manoeuvre à ses opposants. Un style direct, franc (« avec moi c’est oui ou non, mais vous avez toujours une réponse »), qui a séduit et irrité, mais qui a eu le mérite de la franchise. « On a exagéré les critiques, assure Noël Le Graët avec malice. Beaucoup de gens se sont exprimés à tort ou à raison. Il fallait être dans l’action et ne pas tergiverse­r, avec une seule idée en tête : la santé des joueurs. » Proche de Nicolas Sarkozy comme de François Hollande durant leurs mandats à l’Élysée, « NLG », fin politique et muni d’un carnet d’adresses bien fourni, est toujours resté en contact avec le président de la République, Emmanuel Macron. Par téléphone ou lors de sa visite Rue du Faubourg-Saint-Honoré, le 10 juin. Entrevue au cours de laquelle il a évoqué la situation du football, mais aussi celle de la pêche en Bretagne et de l’industrie agroalimen­taire… Fin stratège.

Sur la gestion de crise par l’exécutif, Noël Le Graët, qui se remet d’une leucémie lymphoïde («ça va de mieux en mieux »), loue le travail effectué par l’État. « La France est le seul pays d’Europe qui a donné de l’argent à tout le monde, même au football avec des prêts garantis par l’État. Ceux qui avaient des bilans convenable­s ont pu s’inscrire dans la démarche de la BPI (Banque publique d’investisse­ment). Avec un prêt global, ils ont réussi à en transforme­r une partie en subvention nette directe, remboursab­le sur trois, quatre ou cinq ans. Trouvez un État en Europe qui a fait cela ! L’Angleterre, l’Allemagne ? Non. » Et ce père de trois filles – dont l’une, Valérie, a repris ses affaires en Bretagne – et grand-père de neuf petits-enfants d’égratigner les présidents de clubs. « J’aimerais bien que certains disent “merci” de temps en temps. On ne l’entend pas assez. » Aujourd’hui, les turbulence­s se sont apaisées et, deux semaines après la Ligue des champions, la Ligue 1 reprend ses droits… dans un contexte aussi singulier qu’inédit en raison de la crise sanitaire. Le patron du football français suivra cette rentrée des classes depuis la Martinique, son lieu de vacances depuis de nombreuses années. Non sans inquiétude, en raison des cas de Covid-19 recensés au sein des clubs. « Cette période nous a appris une chose : on n’a rien en main. J’aimerais qu’on arrive à des stades à moitié pleins, que le plaisir accompagne les spectateur­s et les fans de football chaque week-end, mais seule l’évolution du virus dictera ce choix. » Le Graët ou la voix de la sagesse.

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