SAVOIE / HAUTE-SAVOIE, LACS ET ENTRELACS
Carnet de route / Un été en France (5/7)
À l’horizontal, les eaux bleues des lacs du Léman, du Bourget, d’Annecy… À la verticale, le vert des alpages et le gris minéral des montagnes. Deux géographies, mais une même nature qui ressource autant qu’elle apaise.
L’ARCHITECTE, GRAPHISTE, ÉDITEUR, COFONDATEUR DES STUDIOS DE DESIGN ET D’ARCHITECTURE BEPOLES (À PARIS ET À NEW YORK) SIGNE DEUX NOUVEAUX HÔTELS : LE NOMAD DE LONDRES ET LES SOURCES DE CHEVERNY. PASSIONNÉ D’ALPINISME, IL PART DÈS QU’IL LE PEUT SE RESSOURCER EN FAMILLE DANS SA MAISON DE HAUTE-SAVOIE.
Comment êtes-vous tombé amoureux de cette région ?
Pyrénéen d’origine, je suis fou de montagne. La famille de ma femme possède un chalet à La Clusaz depuis plusieurs générations. C’est elle qui m’a fait découvrir les Alpes et Les Confins, qui sont pour moi le paradis sur terre. Nous venons d’acheter une ferme d’alpage, sur un terrain en pente très escarpé. Elle était accessible financièrement, car inaccessible en voiture. On a passé du temps à la comprendre, à décortiquer cette construction qui est dans la pure essence de la fonctionnalité. Et nous l’avons finalement laissée dans son jus. Notre curiosité d’apprendre des gens qui l’ont habitée, notre volonté de la préserver et notre attitude low profile – nous n’avons pas transformé cette ferme en un énième chalet d’architecte – nous ont permis de développer une très belle relation avec cet environnement et ses habitants. Pendant le confinement, nous avons prêté notre cave à fromage à un producteur de tomme qui manquait d’espace. Il nous a expliqué son travail. C’est un lieu que nous voulons protéger et qui nous inspire. Ici, je dessine beaucoup. Ma femme, qui est paysagiste et botaniste, nous initie, avec les enfants, aux plantes et à la richesse inouïe du génome des Alpes.
Un lieu à découvrir ?
Le plateau de Beauregard, c’est un micropays dans les alpages, sillonné de mille chemins où se perdre.
Un panorama époustouflant ?
Le plateau des Glières dans le massif des Bornes, à 1 450 m d’altitude. Ce haut lieu de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale est très émouvant. Cent vingt-neuf maquisards y ont perdu la vie, tués sur les ordres de la Wehrmacht, épaulée par la Milice. Plusieurs présidents se sont rendus aux Glières pour des commémorations – récemment Sarkozy et Macron. J’aime cet endroit pour le panorama à couper le souffle et pour la mémoire de ces âmes envolées.
Une balade qui vous transporte ?
Trois heures de marche en famille dans les Aravis, depuis le parking des Troncs, pour rejoindre le refuge de Gramusset, au pied de la Pointe Percée (2 750 m, le plus haut sommet de la chaîne). C’est une balade accessible aux enfants et une sorte d’initiation à la montagne. Vous passez des alpages à un cirque de caillasse puis à la mer de lapiaz. Vous croisez des chamois, des bouquetins. Là-haut, à 2 164 m, la vue sur le mont Blanc est sublime.
Une oeuvre ou un édifice à ne pas manquer ?
La petite chapelle plus que tricentenaire du col des Aravis m’émeut aux larmes. Sur sa façade est inscrit :
« Sainte Anne, protégez les Voyageurs ».
Une rencontre inoubliable ?
Maurice Bonzy, un brocanteur au caractère bien trempé. Son chalet, à côté de la piscine de La Clusaz, déborde d’objets en tout genre. C’est un personnage ! Je vous conseille une autre caverne d’Ali Baba : Intérieur Altitude, à Thônes. Ce n’est pas la boutique qui mérite le détour mais les deux hangars qui se trouvent derrière, remplis de meubles savoyards. Une mine secrète !
Une tradition à préserver ?
La transhumance avec les bergers. Moins folklorique qu’à Megève, celle de La Clusaz a su rester authentique. Rejoindre le cortège sur une portion du chemin qui mène à l’alpage, se régaler avec les douceurs offertes aux marcheurs par les villageois, écouter les paysans. Un très beau moment de partage accessible à tous.
Un goût à partager ?
Les délicieux plats haut-savoyards d’Éric Guelpa, servis à La Table de Marie-Ange, à Manigod. Excellents produits du terroir. Ambiance montagnarde sans cliché. C’est un gastronomique pas guindé du tout. Une institution !
Un bonheur simple ?
Prendre un café à Lo Garâjo, à Manigod, quand on monte à vélo sur la route du col de la Croix-Fry. C’est un ancien garage transformé en concept store génial, épicerie, bar à jus et bières artisanales… On s’y arrête pour boire, manger, regarder un match de foot ou assister à un concert. Un endroit sur lequel personne n’aurait parié et qui est devenu un stop obligatoire l’hiver comme l’été.
Une heure exquise ?
Le lever du soleil, au début d’une randonnée. On monte dans l’ombre à l’aube et à un moment la lumière jaillit d’un coup dernière les montagnes.
Une odeur à l’effet madeleine ?
Les sous-bois après la pluie. Mille odeurs se révèlent dans l’humidité.
Une chose à rapporter ?
Des reblochons de La Coopérative du Reblochon Fermier de Thônes. On fait des provisions pour Paris en remplissant le coffre de la voiture. J’ai bien peur que ce fromage si compliqué à fabriquer ne disparaisse un jour.
La petite chapelle plus que tricentenaire du col des Aravis m’émeut aux larmes. Sur sa façade est inscrit “Sainte Anne, protégez les Voyageurs”
Il fallait oser ! Baptiser un hôtel L’Incomparable est comme de donner à un enfant le prénom d’une reine ou d’un empereur : ça en impose, ça ne supporte pas la médiocrité. Des exigences auxquelles répond cet établissement 5 étoiles – le premier sur les hauteurs du lac du Bourget, près d’Aix-les-Bains. Si son nom fait également référence à l’un des plus gros diamants taillés au monde (407 carats), c’est moins pour en mettre plein la vue que pour compléter la liste des précédents joyaux du groupe Lodge & Spa Collection – le Koh-I Nor à Val Thorens, le Taj-I Mah à Arc 2000 et le Daria-I Nor à l’Alpe-d’Huez – créé par Thierry Schoenauer. L’homme d’affaires a dû faire preuve de patience avant de pouvoir acquérir cette maison de maître, juchée sur la colline de Tresserve. « Elle appartenait à la famille Trèves, qui avait des hôtels à Courchevel et qui voulait y installer des chambres d’hôtes, se souvient-il. Le décès du propriétaire n’a pas permis au projet d’aboutir. Je suis passé devant pendant des années, en voisin. Même si, à l’époque, on ne voyait pas le lac à cause de la végétation, je savais que l’on pouvait faire quelque chose de sympa. » Doux euphémisme. Quatorze mois de travaux impliquant les savoir-faire des artisans de la région ont transformé cette demeure bourgeoise de 1730 (accoudée sur une partie plus récente) en un hôtel-spa cosy abritant 15 chambres sur deux étages dont 6 suites et juniors suites. L’esprit est celui d’une maison au charme d’antan, mais à la décoration moderne, avec pour petit bijou une vue incroyable sur les eaux du plus grand lac naturel de France. Un privilège dont bénéficient 9 des chambres, les autres donnant sur les monts Granier et Revard. Toutes sont différentes, plus montagnardes ou contemporaines : ici, des charpentes apparentes réalisées par les Compagnons du Devoir ; là, une salle de bains en marbre de Carrare… Un chic nomade, qui se retrouve au bar et au restaurant où officie le chef Antoine Cevoz. Coups de coeur pour la terrasse et le sauna extérieur, aménagé dans un foudre de bois posé à l’horizontal, chapeauté d’une capsule de verre qui permet de se détendre en appréciant le paysage : le parc et le lac, qui inspira Lamartine.
Hôtel-Spa L’Incomparable (04.58.01.74.23 ; Hotel-lincomparable.com). Chemin de Belledonne, Tresserve. Chambre à partir de 431 €. Spa Valmont/Phytomer, sauna, hammam, jacuzzi, piscines intérieure et extérieure, tennis.