Le Figaro Magazine

CINÉMA : L’EXPLOSION “STAR WARS”

Les films qui ont révolution­né le septième art (5/ 7)

- Par Arnaud Bordas

Dans les années 1970, le futur n’est plus ce qu’il était. Jusqu’en 1968 et le choc 2001 : l’odyssée de l’espace, le cinéma de science-fiction était synonyme de soucoupes volantes en aluminium, d’extraterre­stres caoutchout­eux et de toute une imagerie naïve et manichéenn­e, nourrie de propagande antirusse et/ou anticommun­iste. Avec le « trip » à la fois hyperréali­ste et métaphysiq­ue de Stanley Kubrick, ces films-là vont prendre un sérieux coup de vieux. C’est l’époque du Nouvel Hollywood, avec ses jeunes cinéastes rebelles (Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, William Friedkin, Robert Altman…) qui souhaitent s’inspirer de la liberté du cinéma européen. Pourtant, deux réalisateu­rs, George Lucas et Steven Spielberg, vont profiter de cette révolution pour mettre sur pied le grand cinéma populaire hollywoodi­en des décennies à venir.

Tandis que Spielberg se fait remarquer avec son premier long-métrage, le très hitchcocki­en Duel, et s’apprête à terrifier le monde entier avec un requin touristoph­age, Lucas, lui, n’emprunte pas tout à fait le même chemin. Timide et cérébral, il rêve de cinéma expériment­al, exigeant et austère. Après un premier film de sciencefic­tion dans cette veine-là – THX 1138 –, c’est son deuxième essai, American Graffiti, comédie autobiogra­phique et rock and roll située dans la Californie des années 1960, qui va lui apporter la renommée. Après avoir envisagé un temps de mettre en scène un grand film sur la guerre du Vietnam, librement adapté d’Au coeur des ténèbres, de Joseph Conrad, Lucas confie finalement le projet à son ami Coppola (qui en fera Apocalypse Now) pour se tourner vers un film de science-fiction à la

Flash Gordon en forme d’hommage au cinéma de son enfance : les « serials » (ces films à suivre qui furent les ancêtres de la série télé mais projetés en salles), les westerns classiques, les films de pirates et les films de samouraïs du Japonais Akira Kurosawa.

LA FOX NE CROIT PAS AU PROJET

Le premier Star Wars (baptisé La Guerre des étoiles en France) raconte une histoire vieille comme le monde, qui va puiser sa structure dans les récits mythologiq­ues universels, avec le personnage de Luke Skywalker, jeune orphelin qui va se révéler à lui-même en rejoignant les rangs de l’Alliance rebelle pour lutter contre les forces maléfiques de l’Empire galactique. Un matériau ancien, donc, que Lucas souhaite totalement transcende­r à l’écran, grâce aux dernières évolutions des effets spéciaux utilisés notamment sur le 2001 de Kubrick. Mais, à l’époque, l’aventure, l’imaginaire et le dépaysemen­t ne sont pas vraiment à l’ordre du jour, les grands succès du moment s’appelant Chinatown, Le Parrain ou L’Exorciste. Le studio 20th Century Fox, malgré le succès d’American Graffiti, n’a pas vraiment confiance dans le projet de Lucas, qui lui paraît anachroniq­ue, et lui alloue un budget un peu trop raisonnabl­e pour ses ambitions. La force du cinéaste va consister à lutter pied à pied avec le studio pour conserver le contrôle sur sa création. Avec sa boîte de production Lucasfilm, sa compagnie d’effets spéciaux – Industrial Light & Magic (ILM) – et un contrat dans lequel il renonce à un maximum d’argent pour obtenir les droits sur les produits dérivés Star Wars (la clause qui fera son immense fortune), Lucas crée, en plein coeur de Hollywood, les conditions de son indépendan­ce artistique et de son excellence technologi­que. Formidable machine à innover, Star Wars va permettre à Lucas de développer les outils du cinéma des prochaines décennies, comme les effets visuels composites, l’image de synthèse, le son numérique ou encore le montage virtuel. Pourtant, peu de temps avant la sortie du film, alors que Lucas a largement dépassé son budget initial, les cadres du studio n’y croient pas. Même Lucas n’est pas satisfait du film. Il le montre à ses amis réalisateu­rs et eux aussi restent dubitatifs. Un seul lui dit, à l’issue de la projection, que le film va être un carton atomique : Steven Spielberg. Il avait raison, le film va rapidement entrer dans la légende et devenir l’un des plus gros succès de l’histoire du cinéma.

Épuisé par l’expérience, Lucas attendra vingt-deux ans pour retourner derrière une caméra (à l’occasion d’une nouvelle trilogie racontant la jeunesse du ténébreux Dark Vador) et confiera la réalisatio­n des deux épisodes suivants à d’autres. Il aura néanmoins réussi à construire un mythe moderne et à bâtir son propre empire au sein du système hollywoodi­en comme peu de gens avant lui. Un empire qu’il vendra à Disney en 2012 pour 4 milliards de dollars, lorsqu’il sentira que la Force n’est plus avec lui.

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Le jeune Luke Skywalker et l’aéroglisse­ur qui a fait rêver tant d’enfants.
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 ??  ?? Lucas et le robot C-3PO. Un hommage à « Metropolis ».
Lucas et le robot C-3PO. Un hommage à « Metropolis ».
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Dark Vador : le mauvais père. Une incarnatio­n parfaite du mal contre le bien.
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Grandioses batailles spatiales réalisées avec les moyens de l’époque.
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Le Faucon Millenium de Ian Solo, grandeur nature.

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