À L’AFFICHE
Un volume de La Pléiade réunit certains des plus beaux textes de l’écrivain sudiste vénéré par Malraux comme Nimier.
Cinquante ans après la mort de Jean Giono, les éditions Gallimard qui ont déjà publié naguère ses oeuvres romanesques complètes en six tomes dans la Bibliothèque de la Pléiade, ont décidé de lui rendre un nouvel hommage dans la même collection. De Colline (1929) à L’Iris de Suse (1970), ce volume couvre quatre décennies d’écriture. Une sélection qui ne réunit pas forcément ses titres les plus connus (Le Hussard sur le toit), mais qui rend compte de la variété de sa production. Car Giono, souvent réduit – à son grand dam – au statut d’écrivain « régionaliste » et provençal, a offert beaucoup plus au monde des lettres : c’était un conteur génial et polyvalent, que Malraux et Nimier classaient parmi les meilleurs écrivains de sa génération. Dans ce style minéral et érudit (fasciné par la civilisation gréco-latine, l’autodidacte de Manosque chérissait les mots rares) qui est sa griffe, il a signé des nouvelles extraordinaires (Faust au village, par exemple) comme des chefs-d’oeuvre romanesques (Un roi sans divertissement ou Le Moulin de Pologne). « Si j’invente des personnages et si j’écris, disait-il, c’est simplement parce que je suis aux prises avec la grande malédiction de l’univers, à laquelle personne ne fait jamais attention : l’ennui. » Traumatisé par la Grande Guerre, cet ancien de Verdun, pacifiste intégral, a milité toute son existence pour la paix. Ce qui l’a conduit par deux fois en prison, en 1939 et en 1945. L’hymne à la terre qui soustend son oeuvre et sa critique de la modernité lui a également valu d’être présenté comme un auteur pétainiste et réactionnaire à la Libération (son nom figurait sur la liste noire du Comité national des écrivains). Il passerait aujourd’hui pour un écologiste et un visionnaire. Il ne faut jamais avoir raison trop tôt et tout seul…
Un roi sans divertissement et autres romans, de Jean Giono, 1 313 p., La Pléiade (Gallimard), 60 €.