L’ÉDITORIAL
de Guillaume Roquette
On ne parle pas beaucoup de ce virus-là. Depuis deux ans, les betteraves françaises sont infectées par un mal qui menace toute la filière sucrière : les champs jaunissent et les rendements s’effondrent. Le coupable ? Un puceron qui transmet le virus en piquant les feuilles de betterave pour se nourrir de leur suc. Ces charmantes petites bêtes existent depuis la nuit des temps mais jusqu’à présent on les éliminait avec des pesticides jusqu’à ce que ces derniers soient interdits pour protéger les abeilles... alors même que celles-ci ne vont pas dans les champs de betterave, n’y trouvant aucune fleur à butiner. Résultat de ce fiasco : le gouvernement s’apprête à autoriser de nouveau l’emploi de pesticides (appelés néonicotinoïdes) par les betteraviers.
Cette jaunisse est le résultat typique d’une mauvaise politique écologiste : des mesures autoritaires dictées par les bons sentiments ou la peur sont prises par l’État sans se préoccuper sérieusement des conséquences. Et ce n’est pas un cas isolé. On observe par exemple les mêmes errements dans la gestion de l’énergie nucléaire : trois mois après la fermeture de Fessenheim, EDF est obligé de rallumer en toute discrétion des centrales à charbon, très polluantes, car l’électricité manque.
L’engagement écologique est un juste combat, mais il ne peut être mené comme si aucune autre préoccupation n’existait par ailleurs. On ne peut pas taxer le diesel en oubliant les automobilistes, ni protéger les abeilles en négligeant la production de sucre. Ni taxer les billets d’avion en soutenant la filière aéronautique. Ni interdire la publicité télévisée pour les voitures thermiques (la dernière lubie du gouvernement) et pousser des cris parce que les usines de pneumatiques ferment. « À ce compte-là, on ne fera jamais rien », répondront les militants verts. Mais si, justement, on fait et on fait même beaucoup. Le tiers du plan de relance annoncé au début du mois est consacré à la transition écologique, alors que ceux mis en place après la crise financière de 2009 n’en tenaient aucun compte. Avec l’aide de l’Europe, l’État investit massivement auprès des industriels pour mettre au point des batteries plus performantes ou des moteurs à hydrogène. Airbus peut ainsi annoncer un avion « zéro émission » d’ici à quinze ans. Et plus aucune entreprise ne peut négliger son empreinte énergétique sans risquer d’être boycottée par ses clients ou ses investisseurs. Côté alimentation aussi, les progrès sont indéniables. Partout, les agriculteurs innovent pour réduire l’usage de pesticides là où c’est possible.
Mais toutes ces initiatives sont superbement ignorées par la quasi-totalité des responsables écologistes français qui cachent à peine, derrière leurs professions de foi vertes, une hostilité vieille comme la gauche à tout ce qui peut ressembler à la libre entreprise et au progrès technologique. Il n’est qu’à voir leur opposition bornée à la 5G pour achever de s’en convaincre. Souhaitons que les électeurs finissent par ouvrir les yeux.