LES RENDEZ-VOUS
de J-R Van der Plaetsen
“La foi, l’espérance et la charité ont cédé la place à l’identité, au catastrophisme et au populisme”
DEMAIN LA FRANCE. TOMBEAUX DE MAURIAC, MICHELET, DE GAULLE, de Xavier Patier, Le Cerf, 195 p., 18 €.
Entre les deux guerres, la bourgeoisie cultivée lisait les 4 M (Mauriac, Maurois, Montherlant et Morand). En ajoutant Malraux à ce carré, il faut admettre que les lettres françaises tenaient alors en main une sacrée quinte flush. Xavier Patier, lui, préfère jouer une paire : François Mauriac et Edmond Michelet, son grandpère, fervent catholique, que Malraux avait surnommé « l’aumônier de la France », et qui fut le premier garde des Sceaux du général de Gaulle. Dans la disparition de ces deux hommes en 1970, l’année de la mort du Général, Xavier Patier voit un tournant à la fois historique, politique et symbolique.
C’est que, selon sa thèse, le pouvoir politique s’efforçait encore, avant cette année fatidique, de gouverner en respectant les trois vertus théologales – Mauriac incarnant la foi, de Gaulle l’espérance et Michelet la charité. Ces trois personnages légendaires disparus, leurs successeurs, de bien moindre qualité, se seraient rabattus sur les vertus cardinales, plus aisées à suivre. « Or, explique l’auteur, les vertus cardinales sont humaines tandis que les vertus théologales engagent Dieu. C’est ainsi qu’on a oublié Dieu. »
Xavier Patier parle d’une voix douce, cherchant le mot juste qui évitera l’ambiguïté ou la polémique. Le contraste avec la fermeté de ses convictions n’en est que plus saisissant. Ce haut fonctionnaire qui fut l’une des plumes de Chirac, passionné de chasse, est un bon fusil. Son concept de trinité politique déchue lui permet de mettre en joue la tentation identitaire, le culte décliniste et la confusion émeutière. À l’évidence, Patier a gardé de la lecture de Mauriac une passion pour la confrontation des idées – mais aussi le goût de la vie de province. Ce qui explique sa décision de quitter Paris il y a quelques années. « Vivre pauvrement, dit-il, mais dans la nature : ce fut mon choix. » Un choix d’avenir, sans aucun doute.