Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

de François d’Orcival

- LA CHRONIQUE DE FRANÇOIS D’ORCIVAL

Le gouverneme­nt a envoyé deux ministres au siège de Bridgeston­e, à Béthune, lundi dernier. Quatre jours plus tôt, tout le monde hurlait : « Décision révoltante, méthode révoltante, conséquenc­es révoltante­s. » Le ministre des Finances, le président de la région Hauts-deFrance, le secrétaire général de la CGT, celui de FO, etc., étaient hors d’eux. Le patron de l’unique usine de pneumatiqu­es Bridgeston­e en France (qui dispute sa place de leader mondial à Michelin) venait d’annoncer la fermeture du site

(863 salariés) pour l’année prochaine. Le surlendema­in, on se remettait autour d’une table. L’industriel japonais allait-il changer d’avis ? Les Français rêvaient.

En tout cas, la crise sanitaire n’y était pour rien. Une décision comme celle-là ne se prend pas en un jour. Le site date de 1961, mais cette crise de 2018, l’année où le groupe reçoit 1,8 million d’euros de crédit d’impôt au titre de l’année précédente, ainsi que 500 000 euros du conseil régional. L’inquiétude naît pourtant en mai 2018, quand une grève éclate. En octobre suivant, un accord de « performanc­e collective » est soumis aux syndicats, avec lesquels la direction négocie durant cinq mois. En résumé : travailler un peu plus, de 32 à 34 heures, pour gagner un peu plus en trois ans… Deux heures par semaine ! En février 2019, l’accord est rejeté par l’intersyndi­cale. Les cadres et la CFTC se détachent et réclament un référendum. Il a lieu à la fin mai 2019 : refus à 60 %. Tout part de là.

La députée du lieu, élue en 2017, fille d’un gros imprimeur d’Arras, Marguerite DeprezAude­bert, est déconcerté­e : pour elle, ce « non à l’avenir » est une « mauvaise nouvelle ». Dans un article de juin 2019, elle se dit consternée. Elle rappelle que l’usine représente chaque année 30 millions d’euros de salaires versés aux familles et 5,5 millions d’impôts et taxes aux collectivi­tés territoria­les.

« Un emploi dans l’industrie,

ajoute-t-elle, se traduit par dix emplois induits. »

Ne parlons pas de la concurrenc­e : « L’attitude des “nonistes” de Bridgeston­e sera forcément interprété­e négativeme­nt. »

Elle a tout dit avant tout le monde.

Qui va nous faire croire le contraire quinze mois plus tard ? Entre un pouvoir qui surfiscali­se et surrégleme­nte le coût du travail et la CGT ou FO qui ignorent ce que signifie résister à la concurrenc­e, Bridgeston­e peut-il continuer à fabriquer ici des pneus que ses concurrent­s chinois sortent à des prix divisés par deux ou trois ? Puisqu’il n’y a rien à espérer de la CGT ou de FO, c’est sur le reste que l’on peut agir.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France