Le Figaro Magazine

J.K. ROWLING

Le mauvais procès

- Nicolas Ungemuth

La romancière qui a fait rêver des millions d’enfants avec « Harry Potter » est accusée de « transphobi­e » et se retrouve victime d’un lynchage délirant dans les pays anglo-saxons.

On ne présente plus la romancière J.K. Rowling, créatrice de la saga Harry Potter, vendue à 500 millions d’exemplaire­s dans le monde et traduite dans 80 langues. Une série magistrale dans laquelle elle eut l’idée – et le talent – de faire grandir ses personnage­s tant et si bien que ses lecteurs, ou ceux qui sont allés voir ses films en salles, ont eux aussi grandi avec eux. Celle qui a toujours affirmé que ses jeunes sorciers étaient « différents » et qui a toujours prôné la tolérance, l’antiracism­e et le respect de l’autre est pourtant désormais à son tour dans le viseur de la police de la pensée. Les censeurs sont ivres de rage. Il y a quelques mois, elle a partagé sur Twitter un article intitulé « Opinion : créer un monde post-Covid plus égalitaire pour les personnes qui ont leurs règles ». La créatrice de Harry Potter a alors ajouté en légende : « Les personnes qui ont leurs règles. Je suis sûre qu’il existait un mot pour ça. Quelqu’un peut m’aider ? Wumben ? Wimpund ? Woomud ? » La réponse est évidemment « Woman » car jusqu’à preuve du contraire, les hommes n’ont pas de cycle menstruel. Illico, ce fut le tollé. Rowling était devenue « transphobe ».

Elle a aussi commis le grave crime de dire que les femmes trans ne sont « que des hommes qui s’habillent en femme ». Mais il y a pire : J.K. Rowling publie des polars sous le pseudonyme de Robert Galbraith, mettant en scène un détective nommé Cormoran Strike. Et dans son dernier épisode, intitulé Troubled Blood, sorti en Angleterre le 15 septembre dernier, voilà qu’elle ose inventer un serial killer qui s’habille en femme. Ni une ni deux, le Telegraph, dans sa critique du livre, a considéré que cette fois-ci, c’en était trop. Rowling est décidément une grave transphobe. La boîte de Pandore s’est ouverte et, depuis, c’est le pandémoniu­m sur les réseaux sociaux. Un morbide hashtag, « RIP J.K. Rowling » (« Repose en paix J.K. Rowling »), est apparu sur Twitter, et des milliers d’internaute­s ont agoni d’injures la romancière. À tel point que le Telegraph a rétropédal­é, expliquant dans un second article qu’un auteur peut dire ce qu’il veut dans une fiction. Ce qui semble aller de soi et ne devrait même pas être rappelé.

Déjà, en 1992, Paul Verhoeven avait déclenché de nombreuses manifestat­ions et une vague d’indignatio­n pour avoir fait de Sharon Stone une bisexuelle machiavéli­que dans Basic Instinct… Ces maniaques qui voient des transphobe­s ou des homophobes partout ont du pain sur la planche : faut-il interdire Le Silence des agneaux, de Jonathan Demme, dans lequel un serial killer mâle veut changer de sexe ? Et Pulsions, de Brian De Palma, qui voit le grand Michael Caine, déguisé en femme blonde, commettre toutes sortes d’abominatio­ns ? Pour Victor Victoria, Tootsie et Certains l’aiment chaud, ça passe, car les personnage­s sont sympathiqu­es et rigolos (et Big Mamma, c’est grossophob­e ?), les censeurs tolèrent. Mais que vont-ils faire de Psychose, dans lequel Norman Bates/Anthony Perkins tue, habillé en femme, en l’occurrence comme sa maman ? Non seulement c’est transphobe, mais en plus, c’est une insulte faite aux mères. Alfred Hitchcock, pionnier de la transphobi­e ?

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