LE SPIRITUEL EN FEU

L’épître de saint Paul serait-elle une grenade dégoupillée sur l’humanité ? Le dernier ouvrage de François Esperet, normalien et ancien gendarme, devenu diacre après sa conversion à l’orthodoxie, en atteste. Le recueil de ses sermons prononcés à l’église orthodoxe où il officie chaque dimanche à Paris, portant sur les épîtres de l’apôtre itinérant, est d’une originalité décapante. Il révèle « un Christ qui descend riche de ce qu’il était en haut, et qui remonte enrichi de ce qu’il est devenu en bas ».

Le hic et nunc terrestre, l’ici et maintenant d’Esperet, n’est pas une étape pénible et laborieuse, comme le croient certains, avant la panacée du royaume de Dieu. Non, la vie sur terre porte déjà en elle l’inouï, la paix et l’amour parfaits du ciel. « Puissions-nous laisser le Seigneur soutenir notre ascèse », écrit-il. Le titre de ce livre est tiré d’une citation de Grégoire de Naziance : « Ne restons pas ce que nous sommes, mais devenons qui nous étions. » Au fil des pages, les réflexions en miroir et les agiles tournures de phrases font éclater au grand air le sens enfoui. Puisant son inspiration dans les replis parfois infréquentables de l’humanité, ce quarantenaire fait de la Bible un objet d’appropriation tout personnel. « Commençons par sourire [en lisant le texte de saint Paul] mais sans renoncer à comprendre – au contraire, laissons le sourire nous introduire dans la compréhension du texte. »

Ainsi que la danse entraînante des derviches se fait prière, cette littérature est une façon efficace et délicieuse pour exercer la vie. Elle permet de se mettre en règle avec soi-même, c’est-à-dire avec Dieu. À l’heure de la bien-pensance moutonnière, fréquenter une pensée exempte de niaiserie, qui vient du fond des âges et qu’éclaire une intelligence originale est revigorant. « Les richesses de l’Esprit ont ceci de miraculeux, qu’elles fructifient à mesure qu’on les dépense, qu’elles grandissent à mesure qu’on les partage. »

Ne restons pas ce que nous sommes, Robert Laffont, 252 p., 18 €.