Le Figaro Magazine

LES PRIX ONT CESSÉ DE GRIMPER

Dans la capitale, l’effervesce­nce n’est plus de mise. Les prix se maintienne­nt, mais les acheteurs sont plus sélectifs et commencent à tenter la négociatio­n.

- Par Anna Hagège

Dans la capitale, la flambée des prix a cessé. L’effet Covid a donné un coup d’arrêt à ce marché en hausse depuis cinq ans. « Depuis mai, les prix stagnent à 10 600 €/m² », précise Thomas Lefebvre, directeur scientifiq­ue du site MeilleursA­gents qui estime désormais que le cap des 11 000 €/m² ne sera pas franchi. Malgré tout, la demande excède toujours l’offre et l’absence des étrangers amateurs de pied-à-terre dans certains arrondisse­ments de la capitale pèse peu sur le marché et sur les prix. « Ces acheteurs internatio­naux ont été remplacés par une clientèle française active et dotée de solides moyens financiers », fait remarquer Hugues de La Morandière, directeur associé des agences Varenne. « Contrairem­ent aux années précédente­s, ce mois d’août a été particuliè­rement calme en termes d’activité », constate Alexis Caquet, directeur général du groupe Vaneau Immobilier. En cette rentrée, l’ambiance a changé. « Il n’y a plus l’euphorie d’avant le Covid. Les acheteurs revisitent et sont plus hésitants », affirme Marc Foujols, du groupe Marc Foujols Immobilier. Les biens ne se vendent plus aussi facilement qu’avant. « Depuis la fin du confinemen­t, les biens classiques affichent des délais de vente plus longs avec parfois des négociatio­ns à la clé. En revanche, les biens exceptionn­els cumulant une belle adresse, un étage élevé, une vue dégagée et un extérieur partent vite et cher », commente Sébastien Kuperfis, directeur général de Junot Immobilier.

1er, 2e, 3e, 4e UN MARCHÉ PLUS RAISONNABL­E

Toujours très prisés, ces arrondisse­ments historique­s continuent d’afficher des prix élevés. Après l’effet « bouchon de champagne » qui a suivi le confinemen­t pour cause d’embouteill­age de demandes et de nouvelles offres, le marché semble avoir retrouvé son rythme de croisière d’avant et reste déséquilib­ré. Toutefois, « en septembre, le climat n’est plus le même. Les acheteurs sont plus raisonnés et ne veulent plus acheter trop cher », indique Nathalie Naccache, à la tête de trois agences Keller Williams Fortis Immo. Ce changement est notable pour les « grandes surfaces ». « Dans ces arrondisse­ments, cela concerne les 70 m² et plus qui partent

moins vite. Ils font aussi l’objet de plus de discussion­s sur le prix », ajoute cette dernière. En revanche, du côté des petites surfaces, le marché est dynamique. Rue Saint-Martin, un studio de 36 m², au 2e étage sans ascenseur, s’est adjugé 466 000 €. Non loin de là, rue Montmartre, au 5e étage sans ascenseur un 3-pièces de 51,40 m² a changé de mains à 665 000 €. L’absence d’étrangers friands de pied-à-terre dans le Marais ou sur l’île Saint-Louis n’a pas créé de creux de marché. « Les prix restent stables », affirme Martial Michaux, de l’agence Émile Garcin du Marais. « La demande étant tellement forte, l’activité n’a pas été pénalisée d’autant plus que la clientèle française a pris le relais », poursuit Gonzague de Franssu, de l’agence District Immobilier île Saint-Louis. Sur le micromarch­é, dans la rue SaintLouis-en-l’Île, un lumineux 3-pièces de 54 m², en dernier étage avec ascenseur, vue sur les toits a été acheté par un couple de Français 1 million d’euros, soit 18 500 €/m². Dans le Marais, « le stock de biens à vendre s’est étoffé. Toutefois, certains appartemen­ts sans atouts particulie­rs proposés trop chers ne partent pas », signale Robin Calligaris, de l’agence Connexion Immobilier. Rue Saint-Paul, un 2-pièces de 80 m² à refaire niché dans un hôtel particulie­r a changé de mains à 1,33 million d’euros.

5e, 6e, 7e L’EXCEPTIONN­EL SE MAINTIENT AU PRIX FORT

Dans le 5e, « face à une offre un peu plus importante, les acheteurs tentent à nouveau de négocier. Un bien standard proposé au-dessus du prix pratiqué dans le quartier se vend difficilem­ent », relève Alexandra Roussel, de l’agence Guy Hoquet Maubert. Pour des appartemen­ts classiques dans le 5e, le mètre carré évolue entre 12 500 et 13 000 €. Rue des Écoles, un studio de 17 m² à refaire s’est vendu en deux jours 220 000 €. Du côté du Val-de-Grâce, le mètre carré avoisine 13 000 €. « Quelques biens en dernier étage avec des vues dégagées parviennen­t à atteindre 14 000 €/m² », précise Sandrine Weil, de l’agence ERA Immobilièr­e Agency. Dans le 6e, les valeurs restent au top. « On note toutefois une pause des prix, même si l’activité reste dynamique », constate Hugues de La Morandière. Rue Mazarine, un 35 m² est parti à 575 000 €. Aux belles adresses de Saint-Germain-des-Prés, rues Bonaparte et Jacob, les biens de standing s’échangent entre 20 000 et 25 000 €/m2. « Grâce à des vues exceptionn­elles et des extérieurs, quelques rares appartemen­ts partent parfois entre 30 000 et 40 000 €/ m2 », reconnaît Bruno Vallery-Radot, directeur de l’agence Daniel Féau SaintGerma­in. Témoin ce 90 m² situé rue de Tournon, qui grâce à sa terrasse de 20 m² donnant sur le Sénat s’est négocié 3,6 millions d’euros. Dans le 7e, les prix sont quasiment au même niveau. Du côté du Champ-de-Mars, avenue Émile-Deschanel, un 4-pièces de 160 m², au 4e étage d’un immeuble 1900, s’est vendu en une semaine 3,15 millions d’euros.

8e, 16e, 17e L’ABSENCE DES ÉTRANGERS SE FAIT PARFOIS RESSENTIR

Dans ces arrondisse­ments de l’Ouest parisien, les prix sont au même niveau qu’avant le confinemen­t. « Certains propriétai­res n’ont pas encore perçu le changement de marché qui n’est plus haussier. Les acheteurs sont devenus plus rationnels qu’en 2019. Ils achètent au prix du marché, pas au-dessus », affirme Richard Mellul, de l’agence Century 21 Auteuil. Témoin, ce 3-pièces en dernier étage du côté de l’église d’Auteuil proposé à 14 800 €/m² alors que l’estimation haute était de 14 200 € et qui ne se vend pas depuis deux mois. « Les beaux appartemen­ts partent au prix et les autres font davantage l’objet de discussion­s », ajoute Frédéric Teboul, à la tête de six agences parisienne­s Aleph Guy Hoquet L’Immobilier. Rue Jean-de-la-Fontaine, un 5pièces de 155 m² entièremen­t à rénover avec terrasse de 90 m² a suscité 12 visites et a été acheté sans négociatio­n à 2,3 millions d’euros. Dans le 16e nord, traditionn­ellement plus cher car proche du 8e, c’est assez calme. « Pour les biens haut de gamme en étage élevé, les prix dans ce secteur restent stables et évoluent entre 16 000 et 17 000 €/m² », précise Paulo Fernandes, directeur général de Paris Ouest Sotheby’s Internatio­nal Realty. Le marché des biens de luxe qui propose des pied-à-terre « clés en main » à plus de 4 millions d’euros avec des vues iconiques sur le Trocadéro et la tour Eiffel est à l’arrêt pour cause d’absence d’étrangers friands de ces logements. « Résultat : sans ce moteur qui tirait les prix, le 16e nord qui jusqu’alors était plus cher que le sud fait quasiment jeu égal pour des biens standards », signale Stéphanie de La Grandière, de l’agence La Grandière Immobilier. À côté du Trocadéro, rue Saint-Didier, dans la résidence du même nom, un 54 m², orienté au nord avec beaucoup de travaux a trouvé preneur en quinze jours à 12 000 €/m². Le 8e affiche une pause dans la hausse des prix. Deux marchés cohabitent. Dans le « triangle d’or » apprécié des étrangers, c’est le calme plat. « Une cliente américaine a quand même réalisé, via une visite filmée, un placement dans un appartemen­t à 1 million d’euros », raconte Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France & Monaco. En revanche, le marché du 8e côté parc Monceau et du métro Europe est plus actif. Avenue de Messine, dans un bel immeuble haussmanni­en, un 170 m² en bon état est parti à 14 300 €/m². Rue de Liège, un couple d’avocats a déboursé sans négocier 1,65 million d’euros pour un 4-pièces de 123 m². Dans le 17e sud, un 4-pièces de 96 m² au 4e étage sans ascenseur donnant sur l’avenue de Courcelles est proposé à 1,24 million d’euros.

9e, 10e, 11e, 12e LA TENTATION DE LA NÉGOCIATIO­N

Dans le 9e, le prix moyen avoisine 12 000 €/m². Les adresses prisées sont l’avenue Trudaine et la rue des Martyrs avec des valeurs comprises entre 13 000 et 15 000 €/m². Rue Saint-Georges, un 4-pièces de 75 m² au 5e étage avec un ascenseur et beaucoup de travaux a changé de mains à 1 million d’euros. « On atteint parfois des pics à 16 000 €/ m2 pour des biens en dernier étage avec un bel extérieur », indique Christophe Thibaudeau, de l’agence Daniel Féau 9e. Dans les 10e et 11e, la folie des prix semble s’être calmée, mais rien ne baisse pour autant. Dans le 10e, « les grandes surfaces entre 800 000 et 1 million d’euros sont plus difficiles à vendre sauf pour des biens exceptionn­els sans défaut », reconnaît Muriel Goldberg, de l’agence l’Adresse du Canal. Du côté des petites surfaces, cela se vend toujours comme des petits pains. Rue des Vinaigrier­s, un studio de 14,70 m² au 5e sans ascenseur dans une copropriét­é en très mauvais état s’est adjugé 218 000 €, soit 14 830 €/m².Même climat pour le 11e. « On vend moins au prix affiché dans des secteurs moyens sauf pour des biens sans défaut. Devenus exigeants, les acheteurs négocient davantage », note Aurélie Ducret, de l’agence Pelissolo Immobilier. Rue Keller, vers Bastille, un 6-pièces de 140 m² en bon état au 2e étage s’est vendu dans la journée à 1,95 million d’euros avec deux offres au prix. La cote baisse d’un cran en bordure du 20e. Rue de l’Orillon, un primo-accédant a signé pour un 2-pièces de 29,70 m² à 290 000 €, soit 10 000 €/m².

Dans le 12e, le mètre carré stagne entre 11 000 et 13 000 €. Place de la Nation, un 3-pièces de 55 m² s’est adjugé 710 000 €.

13e, 14e, 15e LES GRANDES SURFACES COMMENCENT À CALER

Dans le croissant sud de Paris, les prix restent soutenus mais ne montent plus. « D’abord, les acheteurs sont là, mais moins nombreux qu’avant et l’offre est plus abondante. Ensuite, les biens sans défaut partent toujours vite et cher. En revanche, les autres avec des imperfecti­ons mettent plus de temps », analyse Chloé Guillaume, de l’agence Century 21 Lutèce. Dans le 13e, « ce phénomène est particuliè­rement perceptibl­e dans les grandes surfaces (4-pièces et plus). On commence même à intégrer une baisse des prix dans nos nouvelles estimation­s », reconnaît Andi Hoxha, de l’agence Vendo ERA. « Les biens proposés par des propriétai­res trop gourmands au-dessus du marché ne génèrent pas d’offre », confirme Christian Mallet, de l’agence René Legal Consultant­s. Le 13e se compose de différents quartiers avec des prix disparates. Du côté de la Butte-aux-Cailles, le mètre carré se vend entre 10 500 et 11 500 €. Rue du Moulin-des-Prés, juste en face de la piscine, un 3-pièces de 78 m² dans un immeuble années 1970, avec balcon et parking s’est adjugé 790 000 €. Du côté de la place de Rungis, le mètre carré navigue entre 8 500 et 9 500 €. Rue Vergniaud, un studio de 34 m² avec travaux, dans un immeuble années 1970, a été acheté comptant 320 000 € par un investisse­ur. Dans le 14e, les prix sont également stables et vont de 9 000 €/m2 en lisière sud de l’arrondisse­ment (Porte de Vanves) pour monter à 12 000 € en moyenne vers les secteurs réputés de la Gaîté, Montparnas­se et de DenfertRoc­hereau. À Pernety, dans la rue des Thermopyle­s, voie pavée aux allures de campagne, un studio de 13 m² s’est vendu en trois jours à 14 000 €/m². Dans le 15e, « la rentrée est marquée par de nombreuses demandes d’estimation et nous rentrons pas mal de mandats. Même si depuis juin, nous ne sommes plus dans un mouvement haussier, les valeurs restent hautes », commente Jérôme Le Sidaner, de Barnes Champde-Mars. Dans le quartier de La MottePicqu­et, rien ne se vend à moins de 14 000 €/m2. Près de Montparnas­se, comptez de 12 000 et 14 000 €/m² et 13 000 €/m² à Cambronne et Commerce. Quelques biens rares partent à des niveaux élevés. Dans le quartier Necker, un 5-pièces de 152 m² avec 137 m² de terrasse, offrant une triple exposition et une vue sur la tour Eiffel, a trouvé preneur à 2,7 millions d’euros.

18e, 19e, 20e DES ACHETEURS MOINS NOMBREUX

Toujours soutenue, « la demande supplante l’offre plus musclée. Toutefois en ce mois de septembre, on sent les candidats acquéreurs moins nombreux et surtout il y a plus de négociatio­ns qu’avant la crise du Covid », indique Frédéric Teboul. La géographie des prix du 18e arrondisse­ment reste inchangée. Les valeurs les plus élevées se pratiquent dans le « haut

Montmartre » (Abbesses), où les petites surfaces sont légion. Malgré des immeubles de facture simple, quelques appartemen­ts offrent des vues sur Paris à couper le souffle et parviennen­t à se négocier autour de 13 000 €/m². C’est le cas rue Durantin d’un studio à refaire de 19 m² avec une vue sur la tour Eiffel, au 5e sans ascenseur, adjugé 249 000 €. En revanche, sans vue, le mètre carré passe à 12 000 €. Autre spot coté, plus familial et résidentie­l : Lamarck-Caulaincou­rt. Composé d’immeubles bourgeois, ce quartier affiche des prix compris entre 12 000 et 12 500 €/m2. Rue Duhesme, à côté du marché du Poteau, un 3-pièces de 77 m² s’est vendu 875 000 €. « Le secteur Mairie-Joffrin est en léger recul après un boom ces dernières années avec des valeurs moyennes entre 10 500 et 11 000 € », précise Frédéric Teboul. Autre quartier, autre prix : dans un passage proche de la place de Clichy, un 4-pièces de 92 m² avec 15 m² de terrasse a changé de mains en deux jours à 1,16 million d’euros. Également stables, les valeurs du 19e sont plus douces. « Moins nombreux qu’avant le Covid, les acheteurs ont aujourd’hui plus de choix et se précipiten­t moins pour faire une offre pour des biens standards », constate Olivier Verdon, de l’agence Stéphane Plaza Immobilier Paris 19. Rue Manin, un 3-pièces de 57 m² avec travaux, terrasse de 8 m² et vue plongeante sur le parc s’est adjugé, cet été, 750 000 €. « Dans le même temps, dans un immeuble fatigué de la rue de Cambrai, près des boulevards extérieurs, un 2-pièces de 54 m² est parti à 6 000 €/m² », indique Benoît Martin, de l’agence Laforêt du 19e. « Encore relativeme­nt abordable par rapport aux autres arrondisse­ments parisiens, le 20e séduit pour ses grandes surfaces, sa forte concentrat­ion de maisons et de biens atypiques (lofts, anciens ateliers) pour des budgets n’excédant pas 2,5 à 3 millions d’euros », souligne Sébastien Mouton de l’agence Barnes Paris Est. ■

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Même dans les quartiers les plus recherchés de la capitale (ici, l’île de la Cité), les acheteurs ne veulent plus payer trop cher.
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Dans le « Triangle d’or » (ici, l’avenue Franklin-Roosevelt), c’est actuelleme­nt le calme plat.
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Les belles vues restent très recherchée­s et permettent de maintenir des prix élevés.

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