Le Figaro Magazine

DE L’EUPHORIE À L’ATTENTISME Par Pascal Tonès

- Pascal Tonès

Si depuis la fin du confinemen­t le marché francilien est des plus dynamiques, des inquiétude­s se font jour face à la situation économique à venir. Ce qui laisse présager d’un certain attentisme des acheteurs comme des vendeurs.

Même pas mal ! C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’état du marché immobilier francilien, six mois après le confinemen­t. « Depuis le 11 mai, le volume des transactio­ns enregistré­es chez nous augmente de 9 % par rapport à l’année précédente en Île-de-France », constate Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt. Un bilan partagé par l’ensemble de la profession. Chez Barnes, l’activité progresse même de 25 % sur le seul troisième trimestre 2020. « Cela signifie que les prix sont restés hauts », analyse Richard Tzipine, directeur général de Barnes. C’est d’ailleurs le cas à Neuilly-sur-Seine où les prix, selon les quartiers, se négocient entre 11 800 et 12 500 €/ m², « Sauf pour les biens exceptionn­els où l’on dépasse les 20 000 €/m² », constate Fabienne Maffrand, directrice de l’agence Vaneau à Neuillysur-Seine. Surtout s’il s’agit d’un appartemen­t de 200 à 250 m², face au bois de Boulogne, en parfait état avec une terrasse, en dernier étage, au sein d’un immeuble Art déco ou haussmanni­en. Ou encore d’une propriété non loin du lycée Pasteur, prisé par les familles. « Nous sommes sur une courbe ascendante en matière de prix et le Covid n’a rien changé. Les marges de négociatio­n dans la ville sont nulles. Tout récemment, nous avons vu un bien familial d’une centaine de mètres carrés rue Parmentier partir à 2 millions d’euros alors qu’il n’avait rien d’exceptionn­el et surtout qu’il y avait beaucoup de travaux à réaliser à l’intérieur », confie Sandra Sabah, team leader à Neuilly, Levallois, Paris 17e pour Engel & Völkers.

Les investisse­urs aussi s’intéressen­t à la ville, notamment à l’avenue Charles-de-Gaulle. « Les prix sont inférieurs d’au moins 1 000 €/m² par rapport à ce que l’on peut trouver dans la ville. De plus, avec les travaux des futures Allées de Neuilly, les investisse­urs se disent qu’ils pourront obtenir une belle plus-value une fois ces aménagemen­ts terminés, à l’horizon 2022 », ajoute-t-elle. Près de 370 arbres donneront à l’avenir un aspect plus vert et apaisé à cette artère particuliè­rement passante.

DES TERRASSES ET DES PLANTES

Car la présence de la nature dans le quartier où l’on achète ainsi qu’un espace extérieur dans le logement sont devenus, depuis le confinemen­t, des critères indispensa­bles pour les acheteurs. « Nous avions un couple avec deux enfants qui cherchaien­t, avant le confinemen­t, un 200 m² dans le 16e ou le 17e. Ils ne voulaient surtout pas quitter Paris. Dès le déconfinem­ent, ils se sont jetés sur une maison avec un jardin de 2 000 m² à Garches », indique Nathalie Garcin, présidente du groupe Émile Garcin. Même constat à Boulogne où des vendeurs décident après le confinemen­t de quitter la ville pour Issy-lesMouline­aux ou Meudon, ne pouvant pas trouver de bien plus grand et accessible pour les accueillir. Les prix résistent encore : « Au sud

du boulevard Jean-Jaurès, pourtant abordable, les prix ont considérab­lement augmenté », confie MarieHélèn­e Delorme, vice-présidente du GIE Orpi Hauts-de-Seine Ouest. « Nous venons de vendre un T2 de 40 m² à 9 500 €/m². Il y a deux ans, il ne serait pas parti au-dessus de 7 500 € m² . » Car traverser le périphériq­ue ne suffit plus pour trouver des biens bon marché, même si l’on est déjà propriétai­re de sa résidence principale à Paris. « C’est souvent la douche froide pour ces acheteurs. Beaucoup de ceux qui ont commencé à chercher durant le confinemen­t l’ont fait dans les communes situées avant la Seine, où la moyenne des prix est de l’ordre de 10 000 à 15 000 €/m² selon les villes. Ils finissent alors par se raviser et les plus sérieux traversent le fleuve pour se rendre à Garches, Rueil-Malmaison ou Vaucresson où la moyenne est comprise entre 8 000 et 9 000 €/m² », constate Jean-Charles Engel, directeur de l’agence Paris Ouest Sotheby’s. Reste que la possibilit­é de télétravai­ller joue davantage sur les motivation­s des acquéreurs. Ces derniers, lorsqu’ils le peuvent, se dirigent sans amertume vers des villes plus éloignées comme SaintGerma­in-en-Laye ou encore Versailles. « Depuis le confinemen­t, les transactio­ns au-dessus des 10 000 €/ m² sur ces marchés sont de plus en plus fréquentes. Mais il faudra attendre la fin de l’année pour confirmer la réalité de cette tendance et en saisir l’ampleur », précise Nicolas Pettex, directeur général de Daniel Féau. Il est vrai que depuis la fin de l’été, le marché dans certaines villes marque le pas, comme à Levallois-Perret : « Il y a davantage d’attentisme. Les délais de vente s’allongent. Vous avez d’un côté les acquéreurs qui pensent que les prix vont malgré tout reculer et de l’autre, les prudents. Ceux qui craignent pour leur emploi et ne veulent pas se lancer dans un projet immobilier », observe Rémy Levine, directeur d’agence Century 21 à Levallois-Perret. À cela s’ajoute, au sein des agences, un nombre un peu plus élevé qu’auparavant de biens à vendre : « Les mandats progressen­t de 50 % par rapport à l’an dernier sur la même période chez nous. Cela a une incidence sur le marché. Avant, même les biens avec défauts se vendaient à des prix très élevés. Maintenant, les acheteurs ont plus de choix et peuvent négocier », constate Richard Tzipine.

Va-t-on alors vers un ralentisse­ment du marché en Île-de-France ? Chez Century 21, on préfère évoquer une « correction » à venir des prix d’ici à plusieurs années, notamment à Levallois-Perret « où l’immobilier a pris 30 % en cinq ans », rappelle Rémy Levine. En attendant cette « correction » potentiell­e, les vendeurs gardent la main et n’hésitent pas à le faire savoir, surtout si le bien possède une terrasse ou un balcon, si rare à Levallois pour les appartemen­ts construits avant 1950, soit 50 % du parc. « La pondératio­n peut faire grimper le montant final de 10 à 50 % selon la terrasse », constate Sandra Sabah. Les prix se maintienne­nt alors aux alentours de 11 500 €/m² et il faut s’éloigner jusqu’à la rue Victor-Hugo ou non loin de la gare de Clichy-Levallois pour trouver des biens entre 7 000 et 8 000 €/m². « Cela permet d’attirer des investisse­urs car la demande locative est importante et nous n’avons pas d’encadremen­t des loyers ni de règles particuliè­res en matière de location saisonnièr­e », souligne Rémy Levine.

DE VINCENNES À MONTREUIL

À Vincennes, les négociatio­ns échouent : « Nous voyons bien quelques acheteurs qui tentent de faire reculer de 10 ou 20 % le prix des biens, mais ça ne fonctionne pas. S’ils parviennen­t à obtenir une réduction de 3 %, c‘est déjà énorme », constate Olivier Fourny, directeur de l’agence Orpi Vincennes. Le mètre carré atteint ainsi les 12 000 € dans la ville pour les biens situés près du bois. Marché par excellence pour les secundo-accédants qui s’y ruent depuis la fin du confinemen­t, la ville du Val-de-Marne connaît une hausse de plus de 30 % des prix de l’immobilier en cinq ans. À tel point que les Vincennois désirant acheter se reportent sur Montreuil ou Fontenay-auxRoses pour trouver des logements abordables. « Cela a d’ailleurs fait exploser le marché du bas Montreuil », précise Olivier Fourny. Les chiffres des notaires de Paris Île-de-France sont parlants. Des prix en hausse de 44 % en cinq ans et de plus de 20 % sur un an. Un mètre carré moyen à 6 390 € et des transactio­ns à plus de 8 000 €/m² dans les quartiers République ou Bobillot. Une exception dans le 93. ■

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À Neuillysur-Seine, compter entre 11 800 et 12 500 €/m².
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À Vincennes, les prix ont bondi de 30 % en 5 ans.

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