Le Figaro Magazine

LA CHRONIQUE

- d’Éric Zemmour

Cela n’aura pas duré longtemps. Quelques jours seulement après le discours martial d’Emmanuel Macron sur le séparatism­e islamiste, on apprenait que le mot séparatism­e ne figurerait pas dans l’intitulé du projet de loi. Et que l’islamisme n’était pas la seule forme de séparatism­e. On pourrait accuser le cynisme tacticien d’un président qui cherche sa réélection à droite tout en ménageant ses anciens soutiens de gauche. Ou le « en même temps »

pathologiq­ue d’un président qui veut lutter contre les dérives islamistes sans « stigmatise­r »

toute une communauté. Et si la question était encore plus profonde ? De nombreux observateu­rs ont reproché au discours du président de ne pas comporter un volet immigratio­n. Après tout, si l’on en est à disserter sur « l’islamisme radical », c’est bien parce que la France a subi une énorme immigratio­n depuis cinquante ans venue de pays arabomusul­mans.

C’est justement ce que contestent le Président, son ministre de la Justice, et même son ministre de l’Intérieur (lire p. 46 à 52). Tous ces gens croient que chaque individu peut s’émanciper de ses racines, de sa culture, de sa religion et que c’est le rôle de la République française de l’y aider. Et que tous les immigrés musulmans le souhaitent par amour de la République. Qu’il suffit de leur donner des preuves d’amour. Tous nos hiérarques se veulent de farouches existentia­listes et rejettent avec horreur toute trace d’essentiali­sme.

Les mêmes citeront à foison le général de Gaulle, profondéme­nt essentiali­ste pourtant. C’est-à-dire qu’il croyait aux peuples, aux nations, aux enracineme­nts. Qu’il disait « les Russes » au temps de l’URSS ou qu’il faisait l’éloge de Dante l’Italien, de Goethe l’Allemand ou de Chateaubri­and le Français, qui ne parlaient pas

« le volapük intégré ». En revanche, quand Simone de Beauvoir écrit « on ne naît pas femme, on le devient », elle est existentia­liste. Bien sûr, tout cela mériterait d’être nuancé et supporte des exceptions individuel­les. Mais les lignes de fond demeurent. Pour Macron comme pour Darmanin, peu importe qu’on soit musulman pourvu qu’on soit républicai­n. Peu importe qu’on mette un voile dans la rue, qu’on ne donne pas à ses enfants de prénoms français, pourvu qu’on fasse allégeance à la République et qu’on soit de bons consommate­urs. En vérité, nos éminences se trompent : une civilisati­on, disait Malraux, est

« tout ce qui s’agrège à une religion ». L’islamisme n’est pas le dévoiement de l’islam mais sa mise en action. Il n’y a pas de « crise fondamenta­liste de l’islam », comme dit Macron, car, comme nous l’a appris Rémi Brague, l’islam est fondamenta­liste depuis l’origine. Enfin, le nombre transforme les individus en peuple, et en nation étrangère sur le sol français. Voilà pourquoi les mots et les mesures d’Emmanuel Macron seront avalés par les prochaines vagues d’immigratio­n comme le sable est recouvert par la mer.

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