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GÉRALD DARMANIN : « NOTRE PLAN CONTRE L’ISLAMISME »

Politique

- Propos recueillis par Carl Meeus et Judith Waintraub Photos Olivier Coret pour Le Figaro Magazine

Entre le discours du président vendredi dernier et la présentati­on du projet de loi en Conseil des ministres, le 9 décembre prochain, il s’écoule deux mois ! Pourquoi attendre si longtemps ? Le président de la République a choisi le 9 décembre en référence au 9 décembre 1905, jour d’adoption de la loi de séparation des Églises et de l’État. Ce délai n’est pas de trop pour mener des consultati­ons sur un texte de cette importance. Je reçois d’ailleurs Place Beauvau, à la demande du président de la République et du premier ministre, l’ensemble des dirigeants des partis représenté­s au Parlement. Emmanuel Macron a dit lui-même que le sujet était l’islam radical. Sans plus évoquer les séparatism­es. Quel sera l’intitulé du projet de loi ?

Le Président a dit que l’islamisme radical était évidemment la principale menace, mais ce n’est pas la seule. Ce n’est pas un texte ad hominem. Il n’est pas prévu qu’y figurent le mot « islam » ni même « religion ». Il y sera question de « cultes », au sens de police des cultes. En ce qui concerne le titre, il n’est pas décidé. Emmanuel Macron a parlé de projet pour renforcer la laïcité et imposer les principes républicai­ns. C’est une indication. Nous avons fait le choix d’aborder la question en nous référant aux principes fondamenta­ux de la laïcité en France, c’est-à-dire la neutralité du service public, que nous voulons étendre aux délégation­s de service public, l’égalité entre les femmes et les hommes et le respect de l’ordre public. Le Président a aussi parlé des exigences minimales de la vie en société, c’est une notion très importante : le Conseil constituti­onnel l’avait utilisée pour valider la loi qui interdit la dissimulat­ion du visage dans l’espace public (la burqa). Faire faire des certificat­s de virginité, déshériter sa fille au profit de son fils ou être polygame, ce n’est pas conforme aux exigences minimales de la vie en France. L’organisati­on de l’islam en France s’inspirera-t-elle du concordat ? Non. Nous laissons le soin aux religions et, singulière­ment, à l’islam de France de s’organiser pour former, certifier et rémunérer des imams, mais nous mettons des conditions et des contrainte­s. La première est la fin d’ici à 2024 des imams détachés, payés par des gouverneme­nts étrangers. On veut aussi imposer la transparen­ce absolue des financemen­ts des cultes et rendre obligatoir­e la certificat­ion des comptes dès le premier euro. En parallèle, on veut développer les recettes propres aux religions – et donc à l’islam –, afin de ne plus les faire dépendre des financemen­ts étrangers. Nous allons inciter les associatio­ns cultuelles musulmanes à passer du statut de la loi de 1901 – commun à toutes les associatio­ns – à celui de la loi de 1905, ce qui leur permettra en particulie­r de ne plus payer d’impôts locaux et d’établir un « denier du culte ». L’instructio­n à la maison est déjà très encadrée par le code de l’éducation. En la restreigna­nt aux enfants non scolarisés pour des raisons de santé, n’allez-vous pas pénaliser des dizaines de milliers de parents qui n’enfrei

pas les lois de la République ?

Les parents ont la liberté, fondamenta­le, de mettre leur enfant dans une école publique ou privée, sous contrat ou hors contrat. L’école n’est jamais une punition. L’éducation participe aussi à la constructi­on de la société, qui a sa part dans la formation de citoyens capables d’esprit critique. L’attitude de ceux qui nous réclament des mesures fortes mais ne veulent jamais voir les conséquenc­es de celles-ci est paradoxale. Si la République est en danger, comme chacun le constate, si la République est infiltrée, comme chacun le dénonce, tous les citoyens français doivent accepter un petit effort pour le bien commun. Les parents qui se soustraira­ient à cette dispositio­n républicai­ne devraient encourir une sanction.

Vous voulez aussi encourager les cours de langue arabe à l’école. Pourquoi ne pas investir davantage dans l’enseigneme­nt du français ?

Pas de faux débat ! Il ne s’agit pas de choisir entre l’arabe et le français. Le français est la langue de notre pays et sa maîtrise est la condition sine qua non pour être citoyen français. L’arabe est une grande langue, comme le chinois ou l’anglais, et à moins d’avoir un problème, non pas, avec la langue arabe mais avec les Arabes, personne ne dit que parler arabe, en plus du français, fait de vous un ennemi de la République. Parler arabe est aussi une arme dans le commerce internatio­nal, dans la compétitio­n avec les Chinois et les Américains. Enfin et surtout, il est important que les petits Français qui veulent apprendre la langue du pays d’origine de leur famille puissent le faire dans un cadre républicai­n, qu’il s’agisse du portugais, de l’espagnol ou de l’arabe. Sinon, on va l’apprendre dans les mosquées, dans les écoles coraniques, dans le cadre périscolai­re, occupé non pas par la République mais par l’oumma, la communauté, ou sur internet, donc dans un endroit non régulé. En un mot, il vaut mieux apprendre l’arabe grâce à des professeur­s français sur des textes d’un prix Nobel comme Naguib Mahfouz, qu’avec des religieux sur des versets du Coran.

Dans « Le JDD », vous avez expliqué que les associatio­ns qui défendent le port du burkini à la piscine pourraient se voir privées de subvention­s publignent ques. Le CCIF et Lallab vont donc être privés de fonds publics ?

Aucune associatio­n qui impose ou qui encourage une tenue religieuse ne pourra obtenir de subvention­s publiques. Il n’est pas question, non plus, qu’elle ait droit à des prêts de salle.

Faut-il sanctionne­r les médecins qui délivrent des certificat­s de virginité ?

Je souhaite la pénalisati­on de ceux qui font ces actes, déjà interdits par l’ordre des médecins et l’OMS. Non seulement les profession­s médicales qui feraient de tels certificat­s de la honte, mais aussi ceux qui les commandent : les fiancés potentiels ou les parents.

Le Président dans son discours n’a fait aucun lien entre le séparatism­e et l’immigratio­n ni entre l’immigratio­n et la délinquanc­e. Ces questions sontelles totalement séparées les unes des autres ?

La République française ne reconnaît ni race ni religion en tant que telle et n’est pas essentiali­ste. J’ai bien entendu des voix, jamais satisfaite­s, se plaindre que le Président n’avait pas parlé d’immigratio­n. Je trouve ce parallèle un peu particulie­r. Je rappelle à ces personnes que mon grand-père, tirailleur algérien, était français bien avant certains territoire­s métropolit­ains. Des gens agnostique­s ont collaboré avec le maréchal Pétain quand 75 % de musulmans qui portaient l’uniforme de la République sont morts à Monte Cassino. On a oublié ce qu’était l’engagement pour la République : vous oubliez vos origines, votre religion, votre croyance et vous épousez le destin français. Je ne pense pas que, par nature, des étrangers commettent des actes illégaux sur le sol national ! Ce n’est pas « dans leur essence ». Et

“Il vaut mieux apprendre l’arabe grâce à des professeur­s français qu’avec des religieux sur des versets du Coran”

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Pour le patron de la Place Beauvau, il n’est pas question de « faire une loi ad hominem ».
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Jean-Michel Blanquer (Éducation), Gérald Darmanin (Intérieur) et Éric Dupond-Moretti (Justice) attendent le discours du président sur « les séparatism­es », vendredi dernier aux Mureaux (Yvelines).

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